En effet, ce recueil est significatif et incarne parfaitement ce que disait Apollinaire à propos de la surprise et de son pouvoir d'émerveillement lorsqu'il prononçait « j'émerveille ».
A travers notre discussion et sur l'appui du recueil <em>Alcools</em>, nous nous attacherons à voir en quoi ce recueil incarne ce qu'Apollinaire appelle la surprise, comme étant le « grand ressort nouveau ».
Avant de commencer à analyser cette problématique, il est essentiel de s'interroger sur le sens de ce substantif, de ce terme employé par le poète dans sa conférence (...)
[...] Ce titre très original annonce une ivresse lyrique, poétique, l'alcool devient ici l'outil poétique d'Apollinaire. C'est un titre qui laisse perplexe le lecteur, c'est un titre problématique, cet alcool serait la vie même d'Apollinaire : Ta vie que tu bois comme une eau de vie Il y a une polysémie du sens dans le titre du recueil, en effet il s'agit de l'alcool en général, mais aussi, cela exprime aussi la douleur, la mélancolie du poète, mais aussi la création poétique, c'est l'expression de notions contradictoires qui s'entremêlent. [...]
[...] De même que le titre du recueil surprend, les titres à l'intérieur même du recueil nous surprennent. Le titre du recueil et ce qui frappe d'autant plus, c'est qu'il n'a rien à voir avec certains titres de poèmes, cela est déjà un effet de surprise. Apollinaire en choisissant ce titre nous désoriente. De même, la signification employée pour les poèmes est assez insolite, ainsi Zone serait, étymologiquement une ceinture, cela s'explique par la circularité du poème lui-même, mais aussi et de manière plus vicieuse, cela fait penser au zona, maladie vénérienne qui forme une ceinture infectieuse autour de la taille, du reste Apollinaire en parle dans son poème : L'amour dont je souffre est une maladie honteuse Beaucoup d'images nous interpellent, nous surprennent, comme ce vers du Poème lu au mariage d'André Salmon : La table et les deux verres devinrent un mourant qui nous jeta le dernier regard d'Orphée Ou bien, le lecteur est surpris par certains vers osés de la part du poète, vers qu'on ne trouverait pas dans la poésie classique ou romantique : Dame de mes pensées au cul de perle fine Dont ni perle ni cul n'égale l'orient : Palais D'autres poèmes tels Rosemonde jouent sur les sonorités. [...]
[...] la surprise ne peut avoir lieu que dès lors qu'il y a valorisation du présent, et Apollinaire, en valorisant son temps fécond et en le suivant dans son mouvement temporel crée la surprise. Du reste, ces vers traduisent bien ce que fait Apollinaire en tant que poète : Certains hommes sont des collines ( ) Et voient au loin tout l'avenir, mieux que s'il était présent plus net que s'il était passé ( ) Voici s'élever des prophètes Après avoir vu ce point essentiel de la poésie d'Apollinaire créatrice de surprise, caractéristique de la poésie moderne, il est important aussi de montrer que le poète ne délaisse à aucun moment la tradition poétique de côté, mais l'assimile plutôt au moderne ce qui amplifie cette idée de surprise. [...]
[...] De même, cette surprise qui naît de l'accouplement de la tradition et de la modernité se retrouve aussi dans Le pont Mirabeau en effet, ce poème a un caractère traditionnel puisqu'il pourrait s'agir d'une chanson où l'interprétation n'est pas aussi complexe que dans Zone De même, pour en revenir aux aspects traditionnels de la poésie, dans le poème Palais Apollinaire fait allusion aux Grenouilles d'Aristophane : Qui souvient du concert joué par les grenouilles Surprise et décalage encore entre la comparaison du cœur avec un cul dans le poème La chanson du Mal-Aimé : Et moi j'ai le cœur aussi gros Q'un cul de dame damascène ici le cœur banal dans la poésie est associé à cul mot original et peu commun dans la poésie. Pour Apollinaire, il est clair que la surprise appartient à l'époque et que l'art nouveau inscrit dans la tradition est original. Ce qui crée la surprise, c'est cette jonction de plusieurs procédés traditionnels, comme l'utilisation de certains fragments d'œuvres antérieurs, de l'utilisation de la mythologie grecque ou biblique. [...]
[...] Icare qui souhaitait volé avec ses ailes de cire pourrait au temps d'Apollinaire accomplir son rêve avec les avions et autres ; les poètes aussi rêvaient à une espèce d'élévation de l'être et de l'âme ; c'était notamment le cas de Baudelaire avec son poème Elévation Apollinaire arrive à créer une mythologie nouvelle par rapport à son destin et le destin universel. La ville dans Zone Le voyageur est l'exemple d'une nouvelle mythologie où se retrouvent les thèmes de l'errance du poète mais aussi de la foule. En somme, la poésie est pour Apollinaire le moteur du progrès humain. [...]
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