Les poètes « meurent dans l'amour qui les inspirait » écrivait Apollinaire à Lou, quelques semaines avant cet Adieu. Et, de fait, ce poème est bien inspiré par l'Amour, par Lou, dont le nom est placé en acrostiche au début de chaque tercet. L'être aimé est ici la source même du poème ; intimement intégré à sa forme, il le structure et le motive. Pourtant, ce poème, « Adieu ! », Apollinaire l'écrit à Lou pour son départ, le 4 février 1915. Ancré dans la réalité, une réalité de guerre et de séparation, ce poème est aussi un poème d'amour, un amour qui dépasse la réalité et devient poésie.
[...] Cette victoire de l'amour sur la réalité de l'éloignement terrestre des corps est affirmée à deux reprises dans le poème (vers 3 et vers 12). L'amour est donc un lien qui réunit malgré la séparation physique, tout comme le sont les lettres et les souvenirs. Même avant le départ de Lou, son image envahit la nuit et la remplace pour Apollinaire : la nuit est très douce et très blonde L'adjectif blonde appliqué à la nuit montre clairement que le souvenir de Lou, de ses cheveux, hante déjà la nuit d'Apollinaire, nuit qui symbolise peut-être déjà son absence. [...]
[...] Apollinaire l'écrit à Lou pour son départ, le 4 février 1915. Ancré dans la réalité, une réalité de guerre et de séparation, ce poème est aussi un poème d'amour, un amour qui dépasse la réalité et devient poésie. Ce poème, motivé par une séparation, est donc tout d'abord un poème ancré dans la réalité. Cette réalité affleure à travers les renseignements que fournit le poète : ton voyage au Nord renseigne, même approximativement, sur la destination du Lou. Le lieu d'où ce poème est écrit est aussi précisé : de Nîmes dans le Gard et enfin, l'horaire du départ de Lou est précisément écrite : neuf heures moins le quart Ainsi, le poème s'appuie sur la réalité, puisque la séparation est avant tout une cruelle réalité : un poème motivé par une séparation ne peut trouver son ancrage que dans cette réalité qu'il va justement pouvoir dépasser par la poésie. [...]
[...] Apollinaire, Lettre à Lou du 4 février 1915 Question Chacune de ces trois lettres à une fonction essentielle qui a motivé son envoi. La première, celle datée du 18 janvier 1915, qui a une fonction argumentative, est presque judiciaire : Apollinaire défend le métier de poète contre les gentilles moqueries que Lou faisait à Apollinaire à ce sujet: je te prie de ne plus me chiner sur le métier de poète Apollinaire se défend, aux yeux de celle qu'il aime, d'être un poète par fainéantise je n'exerce pas le métier de poète simplement pour avoir l'air de faire quelque chose mais surtout, il cherche à prouver la fonction quasi vitale de son métier : ceux qui se livrent au travail de la poésie font quelque chose d'essentiel, de primordial, de nécessaire [ de divin La fonction argumentative est donc essentielle et la défense peut agressive. [...]
[...] Tout d'abord, la mélancolie est provoquée par l'atmosphère nocturne du poème la nuit noire est tombée rendue très importante par la répétition du terme nuit à trois reprises. Ces reprises de termes semblent être un élément du style assez libre de ce poème : Apollinaire emploie un système particulier qui consiste à commencer une phrase par quelques mots, à la couper par une apostrophe ou autre chose, puis à la recommencer en reprenant le point de départ : la nuit mon cœur la nuit est très douce ou encore Lettres envoie des lettres et aussi l'heure est venue Adieu l'heure de ton départ Ces répétitions, ces inversions un cœur le mien te suit ces ruptures de syntaxes très libres, ces reprises surtout donnent au poème une grande langueur, adoucie encore par l'emploie de sonorités douces : on n'aime lentement la nuit mon cœur L'alexandrin sans ponctuation allonge encore le vers. [...]
[...] Le souvenir est donc un moyen de réunion entre Apollinaire et Lou. D'autre part, les lettres permettent aussi de garder un lien tangible avec l'autre : lettres Envoie aussi des lettres (vers 4). La majuscule au verbe Envoie met le premier terme du vers en position de titre, de sous- titre plus précisément (Lettres : envoie Apollinaire demande une multitude de lettres (un pont de lettres : une par jour au moins une au moins la répétition des termes une et au moins donnent à cette demande une insistance très forte : Apollinaire supplie Je t'en prie on le sent fébrile, il se raccroche à la perspective de ces lettres. [...]
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