Publié à deux reprises dans des revues Les Argonautes (n° 9, février 1909) et Le Parthénon (n° 3, décembre 1911) ce poème appartient probablement à l'ensemble que le poète songeait à publier dès 1904 sous le titre Le Vent du Rhin : d'ailleurs, le brouillon de « Crépuscule» contient l'ébauche d'un autre poème, « Saltimbanques » où l'on retrouve la même inspiration, mêlant à la fois des souvenirs d'Allemagne, la peinture de Picasso (Famille de saltimbanques et Famille de bateleurs, 1905) et l'œuvre de Marie Laurencin (avec laquelle il a une liaison, de 1907 à 1912.
[...] A rebours, l'action de ce personnage Ayant décroché une étoile tandis qu'un pendu / Sonne en mesure les cymbales devient une sorte de rituel magique et sonore qui rapproche ciel et terre. On peut voir également dans cet Arlequin, passeur entre deux mondes, une représentation du poète telle que la concevait Apollinaire dans sa Conférence sur l'Esprit Nouveau, prononcée le 26 novembre 1917 : . les poètes sont avant tout les poètes de la vérité toujours nouvelle [ . ] Ils vous entraîneront toujours vivants et éveillés dans le monde nocturne et fermé des songes. Dans les univers qui palpitent ineffablement au-dessus de nos têtes. [...]
[...] La mienne brille comme une étoile, elle illumine le chemin de l'art à travers l'effroyable nuit de la vie. De ce point de vue, la fuite du temps, le passage du jour à la nuit, de la vie à la mort, constituent un thème majeur d'Alcools qui trouvent leur expression ici sous une forme distanciée par l'effet pictural ainsi, cette tonalité élégiaque vaut autant pour le regard du poète que pour le tableau qu'il dépeint. On trouvera une occurrence plus directe dans le refrain du poème Le Pont Mirabeau : Vienne la nuit sonne l'heure / Les jours s'en vont je demeure Dimension symbolique L'irréalité de la scène repose pour une bonne part sur la forte charge symbolique qu'elle contient. [...]
[...] La peinture s'enrichit de trois motifs construits sur une même structure syntaxique : sujet + verbe + groupe complément ; celle-ci crée un balancement rythmique accentué par le jeu de rimes plates ; les deux premiers motifs L'aveugle berce un bel enfant / La biche passe avec ses faons clichés picturaux, enrichissent la théâtralité du premier quatrain mais lui apportent aussi une dynamique de mouvement, même si celle- ci est indiquée par des verbes d'action à connotation de douceur berce et de lenteur passe Quant au dernier motif, il fixe une action contemplative, le nain regarde sur une action en devenir grandir : ici, l'emploi d'un présent de l'indicatif associé à un infinitif complément donne une sorte d'atemporalité à la scène. Par cette description, Apollinaire tente de restituer en sens synchrone au regard du lecteur, lui donnant l'illusion d'échapper à la contingence liée à la linéarité du sens verbal. Une scène étrange Le poème est placé sous un triple signe qui lui confère toute son étrangeté. [...]
[...] Une tonalité élégiaque Une profonde mélancolie parcourt ce Crépuscule et donne une tonalité élégiaque au passage ; Apollinaire dépeint un moment touché par une altération (cf. réponse précédente) et la progression de la nuit perçue comme inquiétante les ombres des morts comme mystérieuse et imprévisible sorciers ; fées enchanteurs et enfin comme initiatique avec la référence à Thot, dieu des secrets alchimiques et de la nuit l'arlequin trismégiste La rime finale confirme cette tonalité avec l'épithète triste en quelque sorte dédoublée comme dans un écho par l'épithète rare trismégiste Cette tristesse est sans doute aussi associée à la nostalgie du séjour d'Apollinaire en Allemagne et au tempérament même du poète qui déclarait en 1910 : Je suis la tristesse même, mais non la vilaine pauvre tristesse qui assombrit tout. [...]
[...] Environnement : les deux derniers vers, Le ciel sans teinte est constellé / D'astres pâles comme du lait évoquent aussi bien une réalité temporelle qu'un décor peint. Personnage : Un charlatan confirme la présence d'un champ lexical du spectacle, présent également au vers suivant avec tours Action : vante les tours que l'on va faire ici le présent du premier groupe verbal annonce le futur immédiat du second. L'observation s'est maintenant déplacée vers une deuxième scène, sorte d'antithèse de la précédente : en effet, à la solennité de l'évocation hiératique succède une accumulation de termes à connotations ou caractérisations dépréciatives : Un charlatan crépusculaire ; vante ; Le ciel sans teinte astres pâles comme du lait - et quatrains. [...]
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