André Sempoux est poète et romancier mais aussi et surtout nouvelliste. Il assume pleinement la définition qu'il donne du nouvelliste : l'auteur ne peut être détaché de son personnage, se prolonge dans le narrateur qu'il met en place.
Sa personnalité littéraire se marque par un rapport particulier à l'Italie : dans Italie, poussière du temps il fait effleurer, tout en douceur et en parfums, au lecteur la richesse de son histoire et de ses paysages, par l'intermédiaire d'un court moment d'une vie ou de portraits. L'Italie, lieu de sa première expérience dans la vie sociale (de bibliothécaire), le fascine toujours maintenant comme source de richesse inépuisable.
En abordant l'Histoire résolument de biais, c'est-à-dire selon un point de vue particulier, selon une compréhension, voire une interprétation singulière, il enclenche une prise de distance par rapport aux préjugés véhiculés : le narrateur du Dévoreur en l'occurrence ne parvient pas à se défaire totalement du poids écrasant des adhérences de son père : malgré lui, arrivent à la surface de sa conscience des bribes de « l'éducation » que son père voulait faire passer – vraisemblablement en suivant le penchant inconscient d'identification du fils au père : « Qu'y aurait il eu de vraiment changé si les nazis avaient gagné la guerre ? Bien sûr, le couple juif […] n'aurait pas été là ? Mais à part ça ? » (Le dévoreur, p. 87). Sa présentation du régime nazi, reprenant les termes du journal collaborateur Nouveau journal sans les commentaires que le lecteur serait en droit d'attendre, est peu critique et « dénonciatrice ». Il est sans doute lui-même un peu empreint du caractère fasciste de celui qu'il rejette le plus au monde. Le lecteur-modèle (U. Eco), en « vivant » lui aussi un peu de ce que vit le protagoniste, ‘fils de fasciste', relativise (au sens de prendre distance) la conception un peu caricaturale, univoque, qu'il avait de la Deuxième Guerre mondiale. Il y a d'autres visions, d'autres interprétations possibles sur le même événement historique, le but ici n'étant pas de trancher sur la question de la vérité.
[...] [ ] Le roux fané de la bruyère éclaboussait les pentes violettes jusqu'aux prairies du bord de mer. (Début du Dévoreur) cf. synopsis du Bol à moustaches à la couverture de l'édition Luce Wilkin, Avin Notons au passage que le fantastique est loin d'être absent dans l'œuvre de l'écrivain : créature d'argile (Golem), mânes d'un écrivain mort qui (re)viennent à la vie “Tourment violent et obsédant” Le bol à moustaches, Avin, Luce Wilkin p Ingrid elle-même nous pousse dans cette voie de mère incestueuse : “Minable ( = min- petit, comme l'enfant), tu n'as jamais vu la queue de ton père ? [...]
[...] (Le dévoreur, p. 87). Sa présentation du régime nazi, reprenant les termes du journal collaborateur Nouveau journal sans les commentaires que le lecteur serait en droit d'attendre, est peu critique et dénonciatrice Il est sans doute lui-même un peu empreint du caractère fasciste de celui qu'il rejette le plus au monde. Le lecteur modèle (U. Eco), en vivant lui aussi un peu de ce que vit le protagoniste, ‘fils de fasciste', relativise (au sens de prendre distance) la conception un peu caricaturale, univoque, qu'il avait de la Deuxième Guerre mondiale. [...]
[...] Doit-on y voir aussi un signe d'émancipation par rapport au père ? Il devient homosexuel, car les fascistes ne toléraient pas les homosexuels (qu'ils concentraient dans des camps de travail au même titre que les romanichels) La transposition de la conception de l'auteur des rapports au père, que nous avons déjà illustrée dans un autre récit, sur le caractère du Tasse. L'auteur N'EST PAS le narrateur, malgré leur proximité que dénote Sempoux lui-même dans la nouvelle. Son “identité” est difficile à déceler, voire quasiment impossible ; Sempoux postpose l'identification d'ailleurs souvent jusqu'à l'extrême fin (ainsi pour sublimer la relation). [...]
[...] Torquato suggère pendant cet entretien que le narrateur absorbe vampirise son existence trouble en quelque sorte son repos éternel. A partir de ce sondage, on pourrait tenter une interprétation. Pourquoi le narrateur, ce musicologue belge, ressentirait-il ce besoin de réveiller un personnage mort depuis cinq cents ans ? Pas uniquement parce que ses œuvres ont inspiré nombre d'interprétations musicales, mais parce que le parcours du Tasse l'intéressait. En effet, le narrateur, au début, est visiblement à bout de course Il est à la pré-pension, n'aura pas l'enfant qu'il attendait tant de Sandra, sa compagne. [...]
[...] Néanmoins, quand il va voir son père, toujours la même femme se trouve à ses côtés : Ingrid. Peut- être la mère est-elle remplacée dans son imagination par la nouvelle compagne de son père. Il suffit d'analyser l'épisode d'amour en Normandie[5] : il va arracher sa petite marâtre à sa prison (comme l'enfant mâle veut arracher sa mère à son rival amoureux Cela se passe la nuit, comme s'il s'agissait de choses illicites, mauvaises que personne ne peut voir. Le personnage chavire en pleine mythologie en plein mythe oedipien Il restera enfoncé dans l'horreur de soi- même après cette violation inconsciente (dans l'inconscient) de l'ordre des générations. [...]
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