Dans un entretien avec André Suarès, Malraux a rappelé à son interlocuteur qu'[il a] "été formé par le christianisme, [qu'il] a eu la foi jusqu'à seize ans, [et que] le christianisme a pour [lui], une réalité que le bouddhisme, malgré la connaissance qu'[il] en a, n'atteint pas" . Et Bien qu'il affirme avoir perdu la foi, Malraux blessé en 1944, réclame l'Evangile selon saint Jean . Et dans sa mémoire, les paroles de Jean et celles du Christ s'élèvent souvent comme une psalmodie.
Dans Lazare, titre à la résonance profondément évangélique, l'auteur associe ce qu'il croit être sa mort à l'agonie du Christ et se souvient du "Lama Sabachtani" de Marc , déjà cité dans Les Voix du silence. En outre, face au général de Gaulle, Malraux se définit comme "un agnostique ami du Christianisme" . C'est sans doute dans le sens fort qu'il emploie ce mot d' "ami". Car quoi qu'il dise, il n'y a pas une "foi" avec laquelle Malraux vibre et dont l'imaginaire résonne profondément en lui autant que le christianisme.
[...] - Ibid., p - Idem. - La Monnaie de l'absolu, p - Ibid., p - Le Surnaturel, p - Voir Les Voix du silence, p. 172-179. - Ibid., p. 180-185. - On désigne ainsi des portraits funéraires découverts vers 1820 par Champollion dans des tombes égyptiennes de l'oasis du Fayoum. Ceux-ci furent exécutés par des artistes grecs et romains entre le Ier et le IVe siècle après J.-C. [...]
[...] Fidèle à sa vision des grands commencements, Malraux refuse d'inscrire cet art dans le cadre de l'évolution des formes car cela risque de le compromettre dans le jeu des influences. Persuadé qu'un style vaut moins par les ressemblances qu'il peut entretenir que par les innovations qu'il introduit, l'auteur n'hésite pas à bousculer le déroulement des grandes périodes de l'histoire de l'art pour faire émerger l'art roman et lui accorder le statut d'un grand commencement : "la sculpture romane, affirme- t-il, n'est pas un moment de l'évolution des formes, au sens où [l'est] la sculpture de Reims [ . [...]
[...] Il réussit à réconcilier l'humain et le sacré et à les faire valoir l'un par l'autre et ce par des procédés esthétiques inédits qui lui ont valu le titre de “premier grand style chrétien”. Parce qu'il est un agnostique avide de transcendance, Malraux, pèlerin de l'invisible, sait trouver le ton juste pour exprimer le surnaturel sous quelque forme qu'il apparaisse, qu'il s'agisse de l'art du sacré, de l'art du divin ou de l'art de la foi. Cette aptitude à communier avec l'invisible - que seul l'art rend visible qualité qui fait tant défaut à Elie Faure, traduit le désir secret de l'auteur de percer le mystère de la vie et de la mort, et d'accéder à la vérité métaphysique, inséparable à ses yeux de l'acte de création artistique. [...]
[...] Dévot Christ de Perpignan, s'accord[e] si mal aux cathédrales, que le dernier, introduit dans celle de Reims, en paraîtrait l'accusation[124]. C'est en effet grâce à une démarche comparative que Malraux fait surgir la spécificité de l'art roman. La sculpture romane en particulier, rompt énergiquement avec la tradition plastique byzantine. Elle crée un style nouveau en exploitant la pierre rugueuse, en ciselant des figures difformes et en sculptant des corps disproportionnés. Elle fait de l'asymétrie et de la difformité, l'expression de l'inquiétude spirituelle. [...]
[...] Et c'est alors qu'on voit l'art roman cristalliser les valeurs tant héroïques que spirituelles du Christianisme militant qui se fixe comme objectif la libération du Saint-Sépulcre : génie chrétien devient celui de l'offensive occidentale. [ . ] Jérusalem prise bénit les premiers tympans, les moines guerriers protègent le Sépulcre ; et la sculpture romane semble celle de l'église militante”[120]. Malraux, emporté par l'enthousiasme, ne voit dans les croisades que l'expressions d'une foi à toute épreuve : sculpture romane se veut proclamation à la face du ciel : ni épidémie d'enfers, ni propagande pour le paradis, mais croisade pour délivrer le Christ de son royaume d'ombre''[121]. [...]
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