Il suffit d'un nom, Myrto, pour que, d'un vers à l'autre, des poètes se rejoignent dans une image, que des vers s'appellent, et que se raniment, dans l'écho, le parfum du myrte autour des rivages méditerranéens, le chant mélancolique des pleureuses, la vision des ruines projetées sur la mer. De Chénier à Nerval, de la « divine enchanteresse » à la « jeune Tarentine », une même inspiration rappelle la source antique de la poésie élégiaque ciselée dans la convention classique de l'alexandrin, et la présence vivace des origines de la poésie dans la reconnaissance renouvelée d'une filiation.
Le poème d'André Chénier, « La Jeune Tarentine », écrit pendant la tourmente révolutionnaire par un jeune poète, dont le destin tragique auréole l'œuvre inachevée pour toute la génération des premiers romantiques, s'inspire de l'épigramme funéraire latine et des bas-reliefs qui ornent les vestiges antiques. Le motif pathétique de la vierge arrachée à la vie au seuil des plaisirs de l'hyménée par une mort imprévisible s'accorde au ton mélancolique du poème, memento mori modernisé par la présence d'une voix, celle du poète, qui se joint au chœur des figures mythologiques conventionnelles, et donne à la fable une portée universelle en rapprochant son sujet des temps troublés de l'écriture du poème et sa forme classique du goût pour l'antique de l'époque.
Le poème retrace la mort de « Myrto, la jeune Tarentine », qu'un « vaisseau [...] portait aux bords de Camarine» où l''attendait son amant. Le récit dramatise l'anecdote, et le ton élégiaque souligne le pathétique de l'événement funeste grâce à la présence d'un chœur mythologique de « Nymphes » et de « Néréides".
La leçon de ce mémento mori pourrait être « Et in Arcadia ego », et le poème grave la fable dans un tombeau littéraire érigé à la mémoire de la beauté et de la jeunesse fauchées par la mort. Poème emblème qui décline la figure sous toutes ses formes : la représentation figurative au sens figuré illustre pour le lecteur, par la figure de Myrto, la distance temporelle et spatiale consubstantielle au mythe et, par l'écart des figures du discours, la spécificité du langage poétique.
[...] La première partie du poème recrée une atmosphère idyllique, dont tous les éléments s'accordent pour accroître l'harmonie : tous les plaisirs sensuels sont évoqués pour une fête païenne, prémisses de l'accomplissement terrestre du destin de la vierge par l'hyménée ; le fait qu'elle soit enlevée mystérieusement, alors que, seule sur la proue, invoquant les étoiles elle s'isole du commun des mortels, les matelots signale déjà la valeur exemplaire du personnage, et sa relation au monde spirituel ; que les Néréides l'élèvent au-dessus des demeures humides transforme l'anecdote mythologique en apothéose, et unit dans un signe le sens littéral de la fable et le sens allégorique du poème. La mort signale sa présence, menace la jeunesse et le bonheur, alors qu'on ne l'attend pas. [...]
[...] adressée cette fois au personnage éponyme, et répétant fidèlement sous une forme discursive la narration initiale des préparatifs de l'hyménée. La progression de la fable Trois moments organisent la progression du poème : le voyage, qui contient les préparatifs du mariage dans un quatrain dont les rimes répètent la même assonance en é ; l'accident, qui enlève soudainement la vierge à la vie, précédé de la conjonction Mais accéléré par le rejet du verbe, enveloppe et quatre vers au rythme haché par l'abondance des verbes ; l'apothéose du personnage, arraché à la destruction grâce à l'intervention de divinités tutélaires, longuement développée dans un rythme plus ample, soutenu par des enjambements et des virgules qui ralentissent les vers par des coupes nombreuses jusqu'à la lamentation finale. [...]
[...] Contre toute modernité, il rappelle ses sources, les ranime par la référence intertextuelle qui va jusqu'à l'imitation, et paradoxalement trouve un ton singulier et original en dépit des emprunts de toutes sortes dont il est affublé, comme si le poète avait ravivé les couleurs d'une fresque antique. Un nouveau mythe La voix du poète qui s'adresse à la jeune Tarentine établit une intimité avec une figure du discours, dont l'irréalité s'accroît au cours du poème, jusqu'à l'apothéose finale qui déréalise le sujet en faisant basculer la fable dans le mythe. Le personnage se joint aux figures connues de la mythologie, dans une apothéose conforme à la tradition. [...]
[...] Là l'hymen, les chansons, les flûtes, lentement, Devaient la reconduire au seuil de son amant. Une clef vigilante a pour cette journée Dans le cèdre enfermé sa robe d'hyménée Et l'or dont au festin ses bras seraient parés Et pour ses blonds cheveux les parfums préparés. Mais, seule sur la proue, invoquant les étoiles, Le vent impétueux qui soufflait dans les voiles L'enveloppe. Étonnée, et loin des matelots, Elle crie, elle tombe, elle est au sein des flots. Elle est au sein des flots, la jeune Tarentine. [...]
[...] Le poème retrace la mort de Myrto, la jeune Tarentine qu'un vaisseau [ . ] portait aux bords de Camarine» où l'attendait son amant. Le récit dramatise l'anecdote, et le ton élégiaque souligne le pathétique de l'événement funeste grâce à la présence d'un chœur mythologique de Nymphes et de Néréides". La leçon de ce mémento mori pourrait être Et in Arcadia ego et le poème grave la fable dans un tombeau littéraire érigé à la mémoire de la beauté et de la jeunesse fauchées par la mort. [...]
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