" Je ne crois pas vrai que le romancier doive créer des personnages ; il doit créer un monde cohérent et particulier, comme tout autre artiste. Non faire concurrence à l'état civil, mais faire concurrence à la réalité qui lui est imposée, celle de la "vie", tantôt en semblant s'y soumettre et tantôt en la transformant pour rivaliser avec elle."
[...] En effet, les personnages des romans ne sont que fiction. Mais si l'on pousse un peu plus loin les propos de Malraux, faire concurrence à l'état civil pour créer des personnages, c'est non seulement se baser sur des éléments purement factuels - c'est-à-dire un nom, un ou des prénoms, une date de naissance, etc . - , mais aussi d'ordre psychologiques et existentiels qui sont aussi prédéterminés par ce "monde cohérent". Pour Malraux, les personnages passent au second plan, le plus primordial étant le microcosme dans lequel ils évoluent. [...]
[...] De plus, cela permet au lecteur de pouvoir interpréter le roman avec une grille de lecture qui lui est personnelle. Il peut ainsi lire le roman avec ses propres codes et sa propre vision. Il n'est plus directement lié au personnage de roman tout droit sorti de l'état civil, mais plutôt à un monde. Cette mécanique permet au récepteur de pouvoir se questionner plus facilement. Toutefois, et comme le précise Malraux, cette démarche doit être celle de l'artiste en général, et pas seulement du romancier. [...]
[...] Le fil conducteur reste le temps puisqu'il déroule ses romans dans le temps. Il invente d'ailleurs une généalogie : les personnages entretiennent des liens entre eux, ils interagissent et évoluent les uns par rapport aux autres. Chaque protagoniste représente à lui seul un archétype social : il est le porte-parole d'une classe. Par exemple, Gervaise dans l'Assommoir. Enfin, Malraux insiste bien sur le fait que cette mécanique n'est pas propre au romancier, mais à l'artiste en général. A titre de comparaison, nous pouvons évoquer par exemple les collages de Max Ernst. [...]
[...] "Les moments les plus profonds de ma vie de m'habitent pas, ils m'obsèdent et me fuient tour à tour. Peu importe. En face de l'inconnu, certains de nos rêves n'ont pas moins de significations que nos souvenirs. Je reprends donc ici telle scène transformée autrefois en fiction". Tels sont les propos rapportés par André Malraux lui-même qui nous permettent d'appréhender la vision de son œuvre, de son rapport au roman et à la fiction. Ces propos font directement écho à la citation suivante : "Je ne crois pas vrai que le romancier doive créer des personnages ; il doit créer un monde cohérent et particulier, comme tout autre artiste. [...]
[...] C'est ce monde, aussi fictif soit-il qui sera à l'origine des personnages et de leurs évolutions. Cette vision nouvelle apportée par Malraux permet de pouvoir envisager les personnages comme déterminés par leur environnement. D'autre part, cette dynamique possède un avantage, celui de pouvoir faire souscrire le récepteur. Il va permettre à l'auteur de faire passer des messages. C'est exactement ce que fait Malraux dans la condition humaine. Il ne s'agit alors plus seulement pour le lecteur de s'identifier au personnage mais de pouvoir se poser des questions existentielles sur lui-même et le monde qui l'entoure. [...]
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