La poésie de Gérard de Nerval, qu'elle s'exprime en vers ou en proses, doit ses résonances inimitables à l'expérience du rêve vécue par l'auteur. Pour Nerval « le rêve est une seconde vie » dans laquelle « le monde des Esprits s'ouvre pour nous ». La vie réelle et les souvenirs sont transformés par le songe ; la mémoire du poète devient en quelque sorte intemporelle, se fondant avec la vie passée. Le poème « Fantaisie » extrait d'Odelettes participe de cette expérience en montrant combien il est facile au poète, à l'écoute d'un air « très vieux », de plonger dans une période ancienne et d'imaginer tout un décor qui au fur et à mesure devient réalité et comme une sorte de nouvelle connaissance.
[...] Le tout souligne ce choix d'écrire une chanson personnelle et non une musique officielle ; et puis ce je viens à l'entendre qui semble insister sur le hasard de ce phénomène. L'alliance du pronom et de l'adjectif pour moi seul comme pour l'adjectif secret mettent sur le même plan cet air inconnu et l'intimité du je qui tente de nous faire partager les secrets de son âme. Le chanteur est envouté malgré lui par les charmes du chant qui semble s'imposer à lui. [...]
[...] Le poème se termine donc privé de repères temporels et individuels de l'individu. Si ce poème de Gérard de Nerval apparaît comme une pièce romantique, avec son esthétique du rêve et du passé idéalisé, il est cependant, encore plus que cela, une évocation intime de la dualité que connaît le poète à cause du sentiment de sa double identité : l'une réelle, l'autre fantasmée. Les trois motifs qui s'entrelacent dans Fantaisie -la musique, la mémoire involontaire ramenant à un passé fantasmé et une individualité coupée en deux- sont les trois motifs structurants de l'œuvre de Nerval. [...]
[...] Dans une première partie, nous mettrons en évidence la musicalité du poème de par son titre même et le thème qu'il aborde : l'air entendu et le rêve qu'il suscite. Dans une seconde partie, nous étudierons comment Gérard de Nerval évoque de manière à la fois précise et intimiste une scène du passé que cet air lui fait revivre. Puis dans une deuxième partie, nous verrons comment s'opère, et avec quelle délicatesse, le passage du rêve, donc de ce qui est normalement imaginaire, au souvenir c'est-à-dire de ce qui fut vraiment. Nerval place ici la musique au centre du poème où elle apparaît comme un thème à part entière. [...]
[...] Le poète ne cherche pas le souvenir de cet air : c'est cet air qui se manifeste au poète. L'auteur n'existe que par son je il reçoit des impressions et les transforme en rêverie. Le poète est présent dans la 1ère strophe mais s'efface ensuite pour laisser place à l'évocation de la rêverie et ne réapparaît qu'aux deux derniers vers du poème : que, dans une autre existence peut-être, j'ai déjà vu et dont je me souviens ! Par cette réapparition, le poète s'inclut dans le tableau qu'il vient de décrire, s'installe alors une relation entre la dame et le je Seulement ce je est dédoublé : dans le dernier vers, le premier je est celui du poète inclus dans un tableau, alors que le second et celui du poète tel qu'il était dans la 1ère strophe, éveillé à la rêverie par l'écoute d'un air. [...]
[...] Cette image souligne son caractère inaccessible. Le paysage se caractérise également par l'harmonie de sa composition : les couleurs-vert, jaune, rouge-se répondent et accentuent le caractère onirique de la description. Le moment choisi est celui du couchant, ce qui baigne le cadre de lumières imprécises, toutes en demi-teintes. Ainsi les vitraux du château apparaîtront rougeâtre. Le passé est idéalisé ; il est représenté sous la forme d'une image par l'emploi de pronoms indéfinis qui empêchent d'individualiser les éléments présents et on remarque les effets d'encadrement coins de pierre vitraux la fenêtre Nerval traite ici les objets sur le mode de la rêverie et surtout de la mémoire involontaire. [...]
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