Ne pouvant pas aborder tous les sujets qui s'ouvrent lors de la comparaison des deux versions de Cendrillon et qui certainement mériteraient une étude beaucoup plus approfondie, je me suis limitée sur quelques points précis (le symbole des cendres dans les deux contes, la présence du narrateur, le merveilleux, la répétition etc.). Ces différences sont dues notamment aux différents cadres dans lesquels ces deux versions se situent.
Le livre a remplacé la voix des conteurs, la page, la flamme des bûches et des sarments Le « conte populaire », en devenant perceptible comme tel, acquiert une existence et change de statut dans le processus de récriture. Aux côtés des variantes du récit dans la tradition orale, les contes de fées comptent de nombreuses adaptations du texte, expurgé, simplifié ou résumé en vue de publics spécifiques : milieux peu lettrés et peu fortunés, âmes chrétiennes que l'Église préserve de mauvaises lectures, public mondain, enfants apprentis lecteurs de plus en plus nombreux du fait des progrès de la scolarisation. L'étude préalable du paratexte et de la biographie des deux auteurs est importante dans la mesure où elle ancrera chacune des versions de Cendrillon dans une réalité temporelle et géographique, qui expliquera en partie les variantes étudiées tout au long de la séquence. L'entourage du conte, le recueil et l'encadrement aident à faire comprendre l'ambition du conte.
Permettez-moi de donner plus de la place à la description de la vie et de l'œuvre de Vuk Stefanovic Karadzic, sous entendu la querelle des Anciens et Modernes, la vie de Charles Perrault sous Louis XIV sont des faits connus.
[...] Les demi- sœurs de Cendrillon ont des chambres parquetées, des lits à la mode, des miroirs, elles mettent des manchettes godronnées, des mouches de la bonne faiseuse. Cette abondance ostentatoire de détails exacts, renvoyant à une réalité plus contemporaine, à la mode contribue à priver la parure de sons sens symbolique, pour ne garder que son sens dérisoire. Alors que dans le conte serbe, cette ostentation n'existe pas, l'unique mise en valeur de Pepeljouga est les trois robes- en soie, en argent et en or. [...]
[...] La situation finale apporte une solution à tous les problèmes posés tout au long du texte et pas seulement dans la situation initiale. Conclusion Dans l'ensemble, le conte de Perrault exprime bien une idéologie bourgeoise, et non plus un rêve. La version serbe véhicule amplement le merveilleux faisant appel à l'imagination du lecteur/auditeur. Le conte recueilli par Vuk Stefanovic Karadzic ne vaut que par l'effacement du narrateur, il ne parvient jamais mieux à ses fins que lorsque le narrateur se dissimule, se dérobe au point de disparaître et de se perdre. [...]
[...] Dans la version serbe, son nom réel est Mara, alors que l'on ignore dans le conte de Perrault. Chez Perrault elle a un second surnom, celui de Culcendron, qu'une précieuse aurait banni, mais que Charles Perrault choisit pour mieux souligner la vulgarité de Javotte (la belle-sœur aînée). Dans la version de Charles Perrault, le motif des cendres est tout à fait négatif. Il connote à la fois le travail et la saleté, inappropriés pour la classe à laquelle elle appartient. [...]
[...] "Il est logique que Cendrillon perde sa pantoufle lors de ce véritable "rite de passage" que constitue pour les jeunes filles le premier bal. Le pair de souliers identiques peut servir de cachet attestant l'identité du propriétaire comme un cachet de cire : "Il fit asseoir Cendrillon, et approchant la pantoufle de son petit pied, il vit qu'elle y entrait sans peine, et qu'elle y était juste comme de la cire." Le pied qui chausse la pantoufle est souvent utilisé dans les rituels de mariage, et le motif du pied qui chausse juste le soulier est le symbole d'une union bien accordée et de fidélité conjugale. [...]
[...] Le merveilleux dans le cas de Cendrillon n'a été qu'un moyen d'attirer l'attention. Le conte serbe commence par le merveilleux et se termine sur une irruption du merveilleux : " le fils du roi courut vers l'auge et le souleva. Une jeune fille apparut. Elle était habillée comme celle de l'église." Finalement, le merveilleux chez Perrault est rationalisé, en ce sens qu'un lien logique subsiste entre l'état initial et l'état final de la métamorphose : "Et la souris était aussitôt changée en beau cheval, ce qui fit un bel attelage de six chevaux, d'un beau gris de souris pommelé." La toute -puissance de la fée marraine a d'ailleurs ses limites et ironiquement, c'est son élève qui doit lui donner une leçon de magie : "Comme elle était en peine de quoi elle ferait un cocher : "Je vais voir, dit Cendrillon, s'il n'y a point quelque rat dans la ratière, nous en ferons un cocher. [...]
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