Dissertation entièrement rédigée sur les Amours de Ronsard. C'est un devoir rédigé pour le concours d'entrée à l'ENS par une personne admissible. Le sujet traité est : Partiellement effacés, mais repérables çà et là en traces énigmatiques, à compléter, des mots anciens se profilent sous la phrase en train de s'écrire. (...) Des paroles réputées proches des origines, et porteuses de l'influx initial des Muses, viennent hanter le poème nouveau, l'animer de leurs propres résonances et le projeter dans le contexte de la Fable, bien au-delà du monde familier et de l'histoire vécue au présent." A. Tournon.
[...] Dès sa publication en 1552, le texte est accompagné d'un commentaire de Muret pour expliciter notamment ces références parfois très complexes. Ronsard désigne souvent les différentes entités par des périphrases. Ainsi des expressions comme "l'escumiere fille" ou "ma Cyprine" désignent Vénus. Ailleurs, il faut comprendre dans l'expression "Un sôt Vulcain ma Cyprine fâchoit", que la dame est contrariée par son mari jaloux. Muret explique alors en note que Vulcain, mari de Vénus, est le symbole des maris trompés et jaloux. [...]
[...] L'amour de la femme est donc chez Ronsard l'amour de LA femme en général en tant qu'elle donne naissance à la poésie. "Morne de corps et morne d'esprit Je me traînais dans cette masse morte Et sans savoir ce que la Muse apporte D'honneur aux siens, je l'avais à mépris. Mais aussitôt que de vous je m'épris Tout aussitôt votre oeil me fut escorte A la vertu, et de telle sorte Que d'ignorant je devins bien appris ( . Dans ce sonnet 95, il faut voir dans la figure de la femme, la femme universelle, celle des poètes. [...]
[...] Il y a donc une dialectique entre tradition et naissance d'une poésie française nouvelle qui s'exprime dans les Amours de Ronsard, consciemment mise en œuvre par le poète. D'ailleurs, les manifestations de la Fable sont savamment orchestrées dans le recueil. On a longtemps voulu trouver un ordre secret organisant les différents sonnets des Amours de Cassandre. Michel Dansonville, dans sa contribution à l'ouvrage Lectures de Ronsard, y lit le déroulement d'une histoire d'amour, il est pourtant aisé de le contredire. [...]
[...] L'objet n'est plus de dire l'amour mais d'agencer un matériau mythologique en poésie. Il est possible de dire que c'est Ronsard lui-même qui donne lieu à ce retournement. En effet, il faut se souvenir qu'être poète au XVIème siècle, c'est d'abord mettre en jeu une tradition. Ce qui importe, ce n'est pas ce qui est dit, mais la manière dont les choses sont dites. Ronsard est un poète du milieu du siècle, il écrit au moment où la langue française cherche à s'affirmer comme langue poétique. [...]
[...] De célébration de la femme aimée et de l'amour, il devient essentiellement exercice poétique. Que devient l'amour de ces poèmes d'amour ? La contexte historique et la déréalisation de la femme qui a lieu dans les sonnets nous conduisent à dire que chez Ronsard, ce qui prime, c'est l'amour de la poésie. L'amour de la femme ne vaut qu'en ce qu'il est absorbé par la poésie pour devenir l'amour universelle rêvé avec un grand A et sans objet défini. La fureur poétique surpasse et englobe toutes les autres et tue l'amour véritable ou tout du moins elle l'expulse du poème. [...]
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