Chaque époque exprime de façon différente l'amour, qui se voit tantôt rabaissé par les tabous et interdits religieux ou sociaux, tantôt exalté comme un absolu qui s'affirme contre toutes les conventions. De ce fait, le sentiment amoureux est toujours localisé et daté. A chaque époque, l'amour est un objet de conscience et donc de conventions éthiques, sociales, religieuses. Mais à cela s'ajoutent les conventions littéraires qui déterminent sa représentation (...)
[...] Le nouveau rapport au langage se manifeste aussi non par l'abandon du pétrarquisme mais par sa conjonction avec l'action : la métaphore devient stimulation de l'action : Sur les ailes de l'amour, j'ai volé par-dessus ces murs. L'amour ose et agit; et la parole au lieu de remplacer l'action l'accompagne. A la fin de la scène, le nom de Roméo répété par Juliette est l'acceptation de tout l'être de Roméo, y compris la haine de la famille Montaigu que ce nom véhicule avec lui. Avouer son amour, c'est se donner soi-même. [...]
[...] Mais il serait faux de penser que cette veine gauloise serait l'apanage des serviteurs. Mercutio et même Roméo quand ils se donnent la réplique à l'acte II,4 sont dans le même registre. Pour Mercutio, ces plaisanteries visent à dégoûter Roméo de l'amour pudibond selon ses propres termes, que son ami éprouve pour Rosaline. Pour Roméo, c'est un écran de fumée qui vise à cacher son bouleversement après sa rencontre avec Juliette. Mais aux yeux de Mercutio, l'amour est néant et rêve, comme il le dit dans la tirade consacrée à la reine Mab. [...]
[...] La loi de l'amour humain est-elle donc la toute puissance du désir et /ou le change ou d'autre part une idéalisation toute littéraire et artificielle où la femme est une image vide? Par un coup de force dramaturgique Shakespeare va construire une synthèse des deux avec le couple de Roméo et de Juliette, synthèse superbe mais qui ne sera pas viable. III-La passion amoureuse, corps et âme. Le ton est donné par le prologue du IIème acte : L'ancien désir gît sur son lit de mort et la jeune passion brûle d'en hériter. 1-Les paradoxes du coup de foudre. [...]
[...] Juliette est impatiente de connaître l'amour charnel avec Roméo, alors qu'elle ne manifestait aucune curiosité vis-à-vis de Paris : elle s'adresse à la nuit (III page 119) Viens, apprends-moi à perdre en la gagnant, la partie où se jouent nos deux virginités, et couvre de ton noir manteau mon sang encore sauvage et si fort dans mes tempes, jusqu'à ce que mon jeune amour sache, enhardi, combien sont purs les actes d'un vrai amour. Les vers expriment la pulsation du désir, l'impatience de la découverte et la violence de l'attente. Impatience qu'elle exprime dans la même scène par l'antithèse : Je suis vendue mais je n'ai pas servi. L'amour de Juliette n'est donc pas un amour éthéré et platonique. Il est une passion charnelle qui nourrit le corps et le cœur. 3-Le mariage comme maîtrise du désir. [...]
[...] C'est en quelque sorte le symétrique inversé des propos de Roméo faisant des yeux de Juliette de nouveaux astres. Ne peut-on voir dans cette fusion cosmique avec l'être aimé un désir de mort sous-jacent ? De même, le bannissement de Roméo est vécu par les deux personnages comme une mort et Juliette se voit vierge et veuve La mort est donc le seul refuge possible des amants, puisqu'elle éternise l'amour. Enfin, dans la scène du tombeau, Roméo fait de la mort l'amoureuse de Juliette, se projetant ainsi en elle, ce qui fait de lui comme il l'a dit plus tôt un mort-vivant ou plutôt un vivant-mort page 189) Dois-je croire que l'impalpable mort serait amoureuse serait amoureuse et que ce monstre honni et décharné te garde dans le noir pour que tu sois sa maîtresse ? [...]
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