Albert Camus (1913-1960) passa en Algérie une jeunesse pauvre, consacrée à des études de philosophie et au théâtre, avant de devenir un journaliste et un écrivain parisien célèbre, qui participa à la Résistance, s'engagea politiquement dans le journal Combat, entre autres lors de la guerre d'Algérie. Ses œuvres les plus célèbres sont La Peste, L'Étranger, L'Homme révolté. Dans L'Été, l'auteur évoque la terre de son enfance. Le passage offert à votre analyse raconte son retour après quinze ans d'absence. A la description d'un paysage superbe s'ajoute l'émotion de retrouver intact, malgré le temps, un bonheur qui s'apparente à un sentiment d'éternité. Ces deux éléments, intimement liés dans le texte, peuvent livrer le plan du devoir.
La date de l'ouvrage, 1954, se situe avant la guerre d'Algérie (1954-1962). Ne pas commettre de contresens en voyant dans les « années de fureur et de nuit » une allusion à cette dernière. Il s'agit plutôt de la Seconde Guerre mondiale.
Écrivain français fidèle à ses origines algéroises, Albert Camus est célèbre pour avoir exprimé le refus des vieilles transcendances et le sentiment d'absurdité provoqué par la Seconde Guerre mondiale. Son engagement philosophique et politique dans L'Homme révolté, La Peste ou le journal Combat ne saurait cependant faire oublier les nombreuses pages de poésie en prose où il évoque la beauté de sa terre natale.
Dans L'Été, Albert Camus raconte son retour, après quinze ans d'absence, sur le site des ruines romaines de Tipasa près d'Alger. L'homme mûr y redécouvre un paysage splendide qui lui fait éprouver cet intense bonheur né à la fois des souvenirs retrouvés et des sensations propres aux terres méditerranéennes. On peut distinguer la fête des sens qui exprime le bonheur retrouvé.
[...] Le chant aveugle des colonnes associe le son et la vue. Ce spectacle suffirait à rendre un être heureux, mais Albert Camus y ajoute la dimension de la mémoire, de la spiritualité, qui transforme ce bonheur sensuel en une extase presque divine. Le spectateur, loin d'être indifférent, revient avec l'espoir de retrouver le bonheur de son enfance. La quête est évoquée dès le début : ce que j'étais venu chercher Plusieurs verbes à la première personne du singulier présentant le suffixe re- encadrent le passage pour insister sur le fait que l'attente est exaucée : je retrouvai exactement je reconnaissais un à un j'étais enfin revenu Les adverbes ou les expressions qui accompagnent chacun de ces verbes montrent la plénitude des retrouvailles : exactement un par un enfin Le retour est progressif. [...]
[...] Le temps est figé : Il semblait que la matinée se fût fixée, le soleil arrêté pour un instant incalculable Il me semblait ( . ) que cet instant désormais n'en finirait plus La perfection du paysage (les «colonnes parfaites amène par deux fois sous la plume d'Albert Camus un terme la lumière glorieuse ; la gloire du jour) qui appartient parfois au registre religieux : la gloire désigne l'auréole qui entoure les représentations du Christ, ou le faisceau de rayons divergents du triangle qui symbolise Dieu. Le battement du cœur et l'éveil évoquent la résurrection. L'humanisme propre à Albert Camus est ainsi explicité. [...]
[...] Mais ce spectacle n'est pas monotone. La présence des quatre éléments apporte la diversité. La terre, l'eau, l'air et le sont à la fois séparés (le sol, la mer, le ciel, les fumées du village) et mêlés : les fumées montent vers le ciel, la lumière est une douche qui tombe sur la terre et la mer, l'air est comparé à une pierre puisqu'il est cristallin On note la présence d'éléments minéraux (pierres, rochers), végétaux (arbres, absinthes), animaux (coq, lézard), humains (ruines, village, fumée venue sans doute des feux allumés pour se protéger du froid de décembre). [...]
[...] Le sentiment d'éternité est cependant corrigé par la conscience que le temps subsiste, et avec lui la perspective de la mort. L'auteur n'oublie jamais qu'il reste un homme ; il savoure le bonheur qui passe sans perdre sa lucidité sur notre fragilité : ce bonheur arrive une ou deux fois seulement dans une vie ; la lumière du jour est fragile malgré sa gloire; le modalisateur il semblait atténue la certitude d'atteindre l'immortalité. Il ne s'agit que d'une impression, comme le confirme l'emploi du mot instant qui d'abord incalculable »devient pour un instant au moins Les ruines symbolisent la pérennité des créations humaines, dont la trace les colonnes parfaites subsiste à travers les siècles, mais elle rappelle également leur fragilité. [...]
[...] Assonances en et allitération en dans soupirs légers et brefs de la mer au pied des rochers Allitérations en et pour la vibration des arbres Allitération en pour les froissements des absinthes Le chant aveugle des colonnes peut surprendre. Le vent produit sans doute du bruit en passant entre elles. L'adjectif aveugle exprime peut-être le fait que ces ruines sont tronquées, mutilées. Les autres sens n'apparaissent guère, en dehors d'une allusion au toucher avec la douche froide. Plus étonnante est l'absence des odeurs, pourtant si particulières sur les bords méditerranéens. [...]
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