L'introduction de la régularité au théâtre ne s'est pas effectuée sans tensions. De 1580 à 1640 environ, soit pendant toute la première partie du XVIIe siècle, l'esthétique « baroque » coexiste avec la nouvelle théorie régulière, ou « classique ».
Au théâtre, on désigne par « baroque » ou « maniériste » une esthétique qui se fonde :
- au plan poétique, sur le mélange des genres, à l'opposé de la stricte séparation entre comédie et tragédie fixée par Aristote, reprise par l'esthétique classique (séparation des genres). D'où le foisonnement et la luxuriance générique du théâtre « baroque » (...)
[...] Appréhender par la raison ce qui lui échappe En quoi la création littéraire a-t-elle besoin de règles ? Les règles (ou préceptes résultent d'une application de la raison à la nature. Elles sont le produit d'un effort de la raison pour rendre intelligible ce qui ne l'est pas : la nature en effet est un donné exubérant et multiforme (par exemple : les éléments, l'espace et le temps, la nature humaine). Or l'art classique est une imitation de la nature. [...]
[...] Le comédien n'est pas le personnage, il le joue et le joue si bien que vous le prenez pour tel : l'illusion n'est que pour vous ; il sait bien, lui, qu'il ne l'est pas. -la bienséance interne, ou la cohérence des caractères et des actions Rapin, Réflexion sur la poétique, XXXIX : la bienséance est le fondement le plus solide de cette vraisemblance qui est si essentielle à cet art et la règle à laquelle toutes les autres règles doivent s'assujettir, comme à la plus essentielle). [...]
[...] D'où le foisonnement et la luxuriance générique du théâtre baroque : grande vogue de la tragi- comédie (une tragédie romanesque : personnages de rang moyen, et non élevé comme dans la tragédie ou humble comme dans la comédie, dénouement heureux, langage courant), de la pastorale et de ses variantes (comédie pastorale, tragédie pastorale, tragi-comédie pastorale). C'est un théâtre en accord avec la mentalité galante de la société polie (goût pour le romanesque et le divertissement). La pastorale s'effondre au milieu des années 1630. Grands succès : Racan, Les Bergeries (1620,6 éditions en 10 ans) : enchantements, oracles, songes Mairet, Sylvie (1626), tragi-comédie pastorale éd. [...]
[...] La vraisemblance possède un corollaire humain et social dans la bienséance. Tandis que la vraisemblance est théorisée par les doctes, les savants qui ont lu Aristote, Horace et leurs commentateurs italiens et français, la bienséance est une notion issue à la fois de la rhétorique et de la société mondaine. En effet l'orateur, depuis la plus haute Antiquité (Cicéron, Quintilien), est conscient qu'il doit adapter sa parole à son auditoire pour le convaincre, lui dire ce qui convient : c'est le decorum. [...]
[...] Cette notion est particulièrement active au théâtre Plus d'un demi siècle plus tard, René Rapin précise les rapports nécessaires dans une fiction entre le merveilleux (tout ce qui est extraordinaire, que ce soit la présence des dieux de la fable ou des comportements humains hors du commun) et le vraisemblable : XXII La fable* [ ] doit encore avoir deux qualités pour être parfaite : elle doit être merveilleuse, et elle doit être vraisemblable. Elle devient digne d'admiration par la seconde. Quelque merveilleuse que soit la fable, elle ne fera point d'effet si elle n'est vraisemblable. Il est vrai qu'elle frappe l'esprit par ce qu'elle a d'extraordinaire, mais elle ne le pénètre pas, et elle n'y fait aucune impression, dès qu'elle lui paraît incroyable. La vraisemblance toute seule est trop sombre et trop languissante pour la poésie et le seul merveilleux est trop extraordinaire. *La fable : la fiction La bienséance. [...]
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