A la lettre CL des Liaisons dangereuses de Laclos, le Chevalier Danceny écrit à la Marquise de Merteuil « Mais une lettre est le portrait de l'âme. Elle n'a pas, comme une froide image, cette stagnance si éloignée de l'amour ; elle se prête à tous nos mouvements : tour à tour elle s'anime, elle jouit, elle se repose… ». En effet, il paraît évident que lorsque l'on écrit, on se dévoile, on livre quelque chose d'intime, de personnel. La lettre devient alors le lieu de l'émotion, du dévoilement. Ainsi, le roman épistolaire, le roman par lettres, paraît être celui de la passion, dans le sens où le terme de « passion » aura pour acception des grandes douleurs, de la souffrance, un vif sentiment, un sentiment parfois amoureux, une inclination. Littré le définit comme « le mouvement de l'âme en bien ou en mal, pour le plaisir et pour la peine ». Montesquieu, dans sa préface aux Lettres persanes de 1754, prétend, toujours dans cette optique de mettre en relation les lettres et les passions, que le roman épistolaire « fait plus sentir les passions que tous les récits qu'on en pourrait faire ». Sa thèse est donc relativement aisée à comprendre : il pense que l'écriture de l'intime trouve mieux sa place dans l'écriture épistolaire plutôt que dans toutes les autres formes de récits, entendons par « récit » l'action de raconter une chose, la narration orale ou écrite d'un événement. Le roman plus traditionnel serait donc, d'après Montesquieu, moins apte à être le lieu de la passion. Néanmoins, c'est bien une thèse et une vision très personnelles que l'auteur des Lettres persanes défend ici. Il prétend que le roman épistolaire est plus à même de faire ressentir la passion aux lecteurs. Pourtant, il est évident que certains romans écrits à la première personne le font aussi. De plus, le roman épistolaire a disparu de la production littéraire : il est presque évident qu'il portait en lui-même sa propre fin.
[...] - Enfin, les épistoliers décident eux-mêmes de ce qu'ils vont écrire, du caractère qu'ils vont vouloir se donner. Au contraire, un narrateur omniscient d'un roman à la 3e personne dresse un portrait plus objectif des protagonistes ; un portrait vrai. On peut donc essayer de moduler les propos de Montesquieu : le roman épistolaire est le genre qui sublime la passion, mais d'autres récits peuvent le faire tout aussi bien. Plus que cela, le roman épistolaire dupe le lecteur. La double énonciation du récit (faux destinataire et lecteur) est fausse, tout autant que la passion en elle-même. [...]
[...] Le roman épistolaire travaille tous les petits détails de la vie quotidienne que le roman de sentiment ou d'analyse laisse de côté. - Le roman épistolaire fait devenir le lecteur un personnage du roman à part entière, il devient un destinataire indirect, il est contemporain de l'action, il la vit au moment même où elle est racontée par l'épistolier. - Enfin, si les Lettres portugaises de Guilleragues ont eu autant de succès c'est peut-être finalement grâce à l'écriture du naturel et de la spontanéité, en témoignent le style presque disparate des sentiments. [...]
[...] Mais ces lettres sont là pour faire sentir les passions. Le roman épistolaire est intéressant parce qu'il est beau, non parce qu'il est vrai. III. Ce que seul le roman épistolaire peut dire, ce que seul le roman épistolaire peut faire : il veut faire sentir les passions 1. L'esthétique de la passion - Tous les récits peuvent faire sentir la passion, mais il est vrai que le roman épistolaire le fait d'une manière remarquable. Son écriture porte en elle-même la passion. [...]
[...] Le roman plus traditionnel serait donc, d'après Montesquieu, moins apte à être le lieu de la passion. Néanmoins, c'est bien une thèse et une vision très personnelles que l'auteur des Lettres persanes défend ici. Il prétend que le roman épistolaire est plus à même de faire ressentir la passion aux lecteurs. Pourtant, il est évident que certains romans écrits à la première personne le font aussi. De plus, le roman épistolaire a disparu de la production littéraire : il est presque évident qu'il portait en lui- même sa propre fin. [...]
[...] La lettre veut faire sentir la passion. Les emportements presque lyriques de son écriture sont significatifs. Mariane écrit par exemple : J'aime bien mieux être malheureuse en vous aimant, que de ne vous avoir jamais vu Les figures de style, les expressions parfois dramatiques jalonnent le texte. - Finalement, le roman épistolaire est-il vraiment un récit ? Les passions racontées permettent-elles ce terme ? Comme l'explique en substance Jean Rousset (op. cit), avec l'avènement de la forme épistolaire, le romancier ne raconte plus, il se libère de l'histoire conçue comme suite d'événements. [...]
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