Ce texte est absolument typique de Baudelaire en ceci qu'il établit une sorte d'équilibre, de juste milieu - que la poésie française ne connaîtra plus après lui -, entre le classicisme et le romantisme sur sa fin. D'inspiration romantique, il reste de forme classique : anoblie et traditionnelle, on la reconnaît immédiatement par un simple regard. En effet, il se compose d'une succession de quatrains, en strophes régulières et verticalement disposées, empilées les unes sur les autres pour ce qui est de l'architecture du poème ; le vers employé est l'alexandrin, vers noble et poétique par excellence pour lui, à son époque, comme déjà depuis Ronsard (...)
[...] C'est une guirlande toute instrumentale et toute triviale. Du Bellay, dans sa Défense et illustration de la langue française donne le poète comme devant être éloigné du vulgaire (conception aristocratique), donc le poème se doit d'être : "enrichi et illustré de couleurs et ornements poétiques". Tout le monde jusqu'au XVIIIe siècle parle de langage orné, comme on parlait d'art de seconde rhétorique pour la poésie au Moyen-âge. Origine idéologique et historique : grand courant dit de grande rhétorique, qui va du XIVe jusqu'à Jean Marot, (père de Clément Marot), dans le premier tiers du XVIe. [...]
[...] Le sonnet classique joue souvent sur ces oppositions de tensions pour aboutir à la pointe, très rapide. Les mots dans le lexique sont comme les hommes dans la société pour lui : il faut les libérer : "J'ai mis le bonnet rouge au vieux dictionnaire", écrit-il dans le poème Réponse à un acte d'accusation, jouant sur le symbole révolutionnaire du bonnet phrygien. Et, plus loin : "Tous les mots à présent planent dans la clarté, / Les écrivains ont mis la langue en liberté." Il emprunte alors en poésie un vocabulaire politique, preuve de cette libération. [...]
[...] et elles sont caractérisées par des contraintes : l'écriture poétique consiste à couler ses émotions dans ces cadres. Trois ensembles sont donc emboîtés : le texte poétique se place dans un genre poétique auquel il emprunte une forme. La poésie reste assez facile à définir jusqu'à Victor Hugo environ : était poésie ce qui était versifié, avec des genres mixtes comme le théâtre (on parle alors de poète de théâtre, au sens de créateur de théâtre). La poésie était nécessairement versifiée, et tout vers relevait de la poésie. [...]
[...] On retrouve cette conception platonicienne pratiquement à toutes les époques avec des modulations différentes. Platon n'a cessé d'être relu, sauf peut-être au Moyen-âge : réactivé à la Renaissance (c'est le néo- platonisme, selon lequel Marsile Ficin[12] redéfinit le rôle de l'art : la contemplation de la beauté relative amène à l'image de la beauté supérieure, comme il vise à travers l'artifice de la langue l'idéalité transcendante au texte. Les conceptions ornementale de la poésie, et inspirée du poète sont contradictoires mais pas incompatibles. [...]
[...] Les romans de Hugo deviennent de temps à autre intensément poétiques, par le travail de la prosodie, l'intervention des images etc., et il arrive un moment où le monde ne tient que par la force du langage. De même, ils sont parfois dramatiques, avec les dialogue etc. En musique, l'œuvre de Wagner illustre ces unions des contraires. Les poèmes s'orientent aussi vers l'intériorité (de l'écrivain, du lecteur, de la condition humaine etc.), et la poésie signifie alors création, comme la création signifie creusement de l'intériorité. [...]
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