Il est impossible de concevoir l'homme hors du monde, affirme Merleau-ponty en écrivant : « Nous sommes au monde. » Mais nous sommes au monde parmi d'autres hommes, et, surtout, avec d'autres hommes, Du contrat social, Livre I, ch.V, Rousseau.) Le monde est un monde commun que je partage avec autrui. En effet, qu'est-ce qui m'assurerait de la réalité de ce paysage s'il n'était pas un paysage possible pour une autre conscience, s'il n'était pas toujours en instance d'être partagé ? [ critique du solipsisme : le “je pense” s'inscrit toujours dans une adresse à un “nous pensons”. ] C'est pourquoi Heidegger écrit : « Le monde auquel je suis est toujours un monde que je partage avec d'autres parce que l'être au monde est un être-au-monde avec » (L'être et le temps).
[...] Essayer de connaître autrui, c'est ne pas le reconnaître comme liberté. C'est autrui lui-même, en tant que liberté, qui fait obstacle à toute tentative de le connaître. Ob-stare : autrui se tient devant moi et me résiste lorsque j'essaie de le connaître. Et l'impossibilité de le connaître me conduit alors à le rencontrer dans un face-à-face : On ne constitue pas autrui, on le rencontre. écrit Sartre. Et c'est d'ailleurs seulement au gré de cette rencontre que nous nous trouvons nous-mêmes. B. L'adversité. [...]
[...] La honte, dans sa structure fondamentale, est toujours honte devant quelqu'un. L'apparition d'autrui déclenche immédiatement en moi un jugement sur moi-même en tant qu'objet car c'est comme objet que j'apparais à autrui. La honte est, par nature, reconnaissance : je reconnais que je suis comme autrui me voit. J'ai donc besoin d'autrui pour saisir entièrement toutes les structures de mon être. Ainsi que l'écrit Sartre : Le fait d'autrui est incontestable et m'atteint en plein coeur. Je le réalise par le malaise. [...]
[...] Le non-moi, autrui, est donc nécessaire pour que je me constitue en tant que sujet ou conscience de soi. Pourtant, cette relation à l'autre ne va pas de soi : si je ne peux pas vivre sans l'autre, l'autre est aussi ce qui me gêne pour vivre. Ce qu'il faut remarquer, ici, c'est que la relation à autrui peut tout aussi bien être qualifiée par l'adversité, la lutte à mort. L'autre désire ce que je désire, nous convoitions les mêmes choses et la lutte des intérêts particuliers semble rendre toute communauté impossible : l'autre est en trop dans la mesure où il représente pour moi un danger en même temps qu'une menace : L'homme est un loup pour l'homme à l'état de nature MAIS UN DIEU A L'ETAT CIVIL écrit Hobbes (Du citoyen), et Spinoza lui répond : L'homme est un dieu pour l'homme. [...]
[...] Autrui, c'est l'autre, celui qui n'est pas moi, celui que je ne peux pas atteindre comme je m'atteins moi-même. Cependant, étant donné qu'autrui n'est pas non plus n'importe quelle chose distincte de moi mais qu'il est un autre moi-même, demandons-nous s'il n'est pas possible d'user de cette parenté (autrui étant comme moi une conscience) pour le connaître. Peut-on constituer autrui à partir de soi-même ? C'est la tentative de la psychologie classique dont le point de départ est la connaissance de soi. [...]
[...] La connaissance d'autrui est ici l'oeuvre du raisonnement. Toutefois cette méthode est bien discutable : La connaissance d'autrui, telle qu'elle est recherchée par la connaissance analogique, se présente comme une conjecture c-à-d une simple opinion fondée sur des apparences, des manifestations extérieures, ou sur des probabilités. Par exemple, parce que j'ai observé que je pleure quand j'éprouve du chagrin, je peux conjecturer, en voyant un homme pleurer, qu'il éprouve du chagrin, et je peux me tromper. Les larmes qu'il verse peuvent être tout aussi bien la manifestation d'une joie trop intense. [...]
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