Pièce «en trois actes et quatre tableaux», Rhinocéros est créée en 1959 à Düsseldorf. À Paris, l'année suivante, Jean-Louis Barrault la fait triompher. Le sujet de la pièce tourne autour du totalitarisme, de l'endoctrinement et de la fanatisation qui se répandent comme une véritable épidémie. Pour sensibiliser à ce phénomène, Ionesco en propose une illustration concrète : les petits fonctionnaires d'une ville imaginaire se métamorphosent les uns après les autres en rhinocéros. Protégés par leur carapace et armés de leur corne, ils détruisent systématiquement tout ce qui ne leur ressemble pas. Seul un marginal alcoolique, Bérenger, fait figure de conscience isolée qui résiste à cette contamination. Aux yeux du dramaturge, il représente la « conscience universelle » dans son isolement et sa douleur. Dans Notes et contre-notes, Ionesco évoque la simplicité de la forme : « Je respecte les lois fondamentales du théâtre : une idée simple, une progression également simple et une chute. » En effet, la pièce se compose de trois actes, dont le second est divisé en deux tableaux. L'auteur en donne ainsi l'orientation générale et l'argument :
« Bien qu'elle soit une farce, elle est surtout une tragédie. [...] Nous assistons à la transformation mentale de toute une collectivité: les valeurs anciennes se dégradent, sont bouleversées, d'autres naissent et s'imposent. Un homme assiste impuissant à la transformation de son monde contre laquelle il ne peut rien, il ne sait plus s'il a raison ou non, il débat sans espoir, il est le dernier de son espèce. II est perdu. ».
[...] La solitude aussi Jean ne perçoit là qu'une contradiction, la réunion de deux sentiments inconciliables. C'est la sacro-sainte logique et son principe de non-contradiction qui régissent sa pensée, mais aussi ses relations à autrui, dès lors schématiques. On observe la dénonciation, de la part de Ionesco, des stéréotypes intellectuels qui magnifient l'exercice de la pensée raisonnante, clé du jugement mais aussi de l'existence. Cette critique s'affirme plus nettement encore alors que Jean proclame victorieusement: «Pensez et vous serez». En outre, la réponse apportée par Jean à la fatigue de Bérenger : c'est de la neurasthénie alcoolique, la mélancolie du buveur de vin (l. [...]
[...] Dudard, attiré par les rhinocéros, sort et les laisse seuls. Débute alors une scène d'amour interrompue par la sonnerie du téléphone et des barrissements : malgré les exhortations éperdues de Bérenger, Daisy répond à leur appel. La dernière scène présente alors un monologue de Bérenger, hésitant, déchiré jusqu'à un ultime sursaut de résistance qui fait de lui le dernier homme . La pièce présente donc un rythme très soutenu, faisant alterner des dialogues restreints à deux ou trois personnages (voire un monologue) et des passages mouvementés. [...]
[...] Rien de plus naturel. La preuve : tout le monde vit. BÉRENGER. Les morts sont plus nombreux que les vivants. Leur nombre augmente. Les vivants sont rares. JEAN. Les morts, ça n'existe pas, c'est le cas de le dire ! . Ah ! ah! . (Gros rire.) Ceux-là aussi vous pèsent ? [...]
[...] Deux couples évoluent donc sur scène, l'un apparemment plus désincarné que l'autre. En effet, les deux premiers personnages, dotés d'une identité, se démarquent des deux autres, dont les appellations désignent plus des fonctions que des personnes. Ceux- ci traitent de questions dérisoires, contrepoint comique à la gravité des deux amis. Dès lors, on peut voir dans le Vieux Monsieur et le Logicien les doubles grotesques de Jean et Bérenger. Mais peut- être auront-ils une autre utilité, l'absurdité de leurs propos ne risque-t-elle pas de contaminer les discours sérieux des deux autres ? [...]
[...] Le premier tableau du second acte se déroule dans le bureau de l'administration où travaillent Bérenger et ses collègues : on échange des vues sur le nouveau scandale lorsque surgit Mme Bœuf, épouse d'un des employés, absents ce jour-là, et poursuivie par un rhinocéros qui se révèle être son mari, métamorphosé. Les pompiers, avertis, font descendre tout le monde par la grande échelle, pour échapper à l'invasion des rhinocéros. Le second tableau présente un lieu plus intime, la chambre de Jean. Bérenger vient le visiter alors qu'il est alité. C'est l'occasion d'une nouvelle discussion entre eux au cours de laquelle Jean se métamorphose progressivement en rhinocéros, prêt à piétiner son ancien ami. À la fin du tableau, une multitude de rhinocéros surgit, envahit les lieux tandis que Bérenger s'enfuit. [...]
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