La querelle des Anciens et des Modernes témoigne de l'importance pour le XVIIe siècle de l'antiquité, elle qui fait s'opposer d'un côté les partisans de la supériorité inébranlable des auteurs antiques et leurs adversaires modernes de l'autre, persuadés qu'un progrès est possible et nécessaire. Cela est tout particulièrement vrai pour la tragédie de cette époque : la tragédie classique n'a cessé depuis ses débuts de se réclamer de la tragédie antique et des Anciens, érigeant Aristote et sa Poétique ou encore Horace comme de véritables maitres à penser. Confrontant ainsi les tragédies de ses contemporains à celles de Sophocle ou d'Euripide, Rapin écrit en 1674 dans ses Réflexions sur la poétique de ce temps : « On ne comprend point assez que ce ne sont pas les intrigues admirables, les événements surprenants et merveilleux, les incidents extraordinaires qui font la beauté d'une tragédie, ce sont les discours quand ils sont naturels et passionnés. […] C'est aussi par ces défauts plus ou moins grands que la tragédie fait aujourd'hui si peu d'effet sur les esprits. […] On n'y trouve plus ces suspensions, ces surprises, ces admirations que causait la tragédie ancienne : parce qu'on ne nous propose plus ces objets étonnants et terribles, qui donnaient de la frayeur aux spectateurs, en leur donnant du plaisir […] par le ministère des plus fortes passions. » Rapin rejette d'abord les pièces à intrigues et péripéties multiples pour leur préférer la force du discours passionnel, c'est-à-dire une rhétorique passionnelle et vraisemblable dans la mesure où seule cette dernière serait capable de procurer le plaisir propre de la tragédie, à savoir depuis Aristote le plaisir naissant d'un spectacle qui inspire « terreur et pitié ». Il s'agit de provoquer des « passions » violentes chez le spectateur en lui montrant les passions qui agitent les personnages et qui tiennent le spectateur en haleine par « ces suspensions, ces surprises, ces admirations ».
[...] S'ensuit le nœud qui est la relation qui s'établit entre la volonté, le désir, d'un ou de plusieurs personnages, et les obstacles qui s'opposent à leur réalisation. Le conflit passionnel créé dans l'âme du personnage par l'existence d'une passion et de son contraire et qui vaut les longues déplorations, les longs dilemmes ou encore les stances trouve souvent sa motivation dans ces situations de blocage. Les passions tendent alors à être présentées comme la motivation de l'action et en même temps comme ce qui vient entraver provisoirement l'action. [...]
[...] Discours et action ne sont-ils pas irrémédiablement liés pour produire les effets recherchés par toute tragédie ? La querelle des Anciens et des Modernes témoigne de l'importance pour le XVIIe siècle de l'antiquité, elle qui fait s'opposer d'un côté les partisans de la supériorité inébranlable des auteurs antiques et leurs adversaires modernes de l'autre, persuadés qu'un progrès est possible et nécessaire. Cela est tout particulièrement vrai pour la tragédie de cette époque : la tragédie classique n'a cessé depuis ses débuts de se réclamer de la tragédie antique et des Anciens, érigeant Aristote et sa Poétique ou encore Horace comme de véritables maitres à penser. [...]
[...] D'Aubignac a donc beau jeu de remarquer dans La Pratique du théâtre : Aussi est-il vrai que les Discours qui s'y font doivent être comme les actions de ceux qu'on y fait paraître ; car là Parler, c'est Agir. La performativité du langage se mesure tout particulièrement dans la fameuse réplique proférée par Roxane dans Bajazet : Sortez ! Les discours deviennent autant de moyens pour agir sur l'autre et pour faire l'action, la faire avancer. C'est pour cette raison que l'on retrouve dans beaucoup de tragédie le genre judiciaire de la rhétorique ancienne. [...]
[...] C'est pourquoi le crime de la scène 5 de l'acte III d'Horace n'apparait pas proprement sur la scène et qu'Horace, ou quelque autre haut personnage que la tragédie met en scène, parle comme un roi, avec un style élevé. Qui plus est, les discours passionnés se doivent donc d'être raisonnés. Il s'agit de dire la passion, et ce par le prisme de la raison, du logos. La Médée de Corneille parait bien convaincante sur ce point en tant que conjonction de la furor et du logos, l'irraisonné s'exprimant par le raisonnable, par une fréquente ironie. On ne peut donc tout dire ni tout faire sur scène, d'où le recours à la parole. [...]
[...] Elle y perdra son mari, ses enfants pour s'envoler dans les airs. Par là donc elle assume une fonction morale et la catharsis reprend ses droits. La tragédie est certes l'endroit de la parole rhétorique et passionnée. Parce qu'elle ne saurait tout montrer sur scène à une époque où les règles sont scrupuleusement respectées, les discours se doivent de rapporter les actions et les transports intérieurs. Ils sont tenus de faire l'action en ce que la tragédie est le lieu où la parole tente d'agir sur l'autre, où une passion tente d'en contrecarrer une autre. [...]
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