Pourquoi se donnait-on la peine de coucher des lettres sur du parchemin au moyen âge ? Dans une culture à dominante orale, le texte, même littéraire, était-il plus ou autre chose qu'un aide-mémoire ? En quoi ? Et le contenu, son éventuelle fictionalité, était-il suffisamment déterminant pour faire la différence, et aussi la valeur respective de chaque œuvre ? Selon quels repères situait-on un texte ? Eprouvait-on le besoin d'une telle « situation » ?
Il semble incontestable que, pour l'esprit médiéval, le manuscrit, comme lieu de manifestation de la textualité, était plus qu'un relais de transmission orale. En témoigne le soin dont sont ouvragés, façonnés ces objets valant déjà par leur rareté, par leur caractère de dépositaires d'un patrimoine collectif autant que par leur prix élevé. Qui plus est, ce silence collectif ou individuel où baignait la parole, ce labeur qu'investissaient, dans les parages des sanctuaires, quelques esprits d'élite, auréolaient de prestige l'écriture et son produit quasi-sacré : le texte.
Les scriptoria relevaient de tout ce qui, dans l'orbite de la Scriptura, sera écrit. Ce qui s'y créait n'était pas tant une suite d'œuvres que du déjà-œuvré, du déjà-reçu : le scriptible jugé transcriptible. Par ailleurs, le parchemin lui-même était une matière coûteuse, utilisée avec discernement et économisée par la mise en place de systèmes d'abréviation complexes . Il se trouvait parfois rehaussé de miniatures et d'éléments décoratifs plus ou moins étroitement rattachés au texte.
Cet espace (côté poil ou côté chair) était un lieu de rencontre et de convergence esthétique de plusieurs instances auctoriales : commanditaire, scribe, miniaturiste, relieur, etc. Il se donnait donc pour une confluence d'arts et techniques. Le talent à admirer n'était pas unique : il se nouait au pluriel des dons et intentions.
Le mot « textus » et ses dérivés, « textura » et « textualis » désignaient au Moyen Age l'écriture dans sa pure matérialité, à fleur d'encre. C'est le type calligraphique des livres liturgiques qui était dénommé « textus » ou « littera textualis » par un certain Césaire d'Heisterbach (1180-1240), maître de l'écriture .
D'autre part, la « textura » pouvait aussi bien désigner le corps compact de l'écrit par opposition aux « éléments adventices ». Malgré les connotations métaphoriques particulières (et textiles) du terme « textus » et des membres de sa famille lexicale, un véritable continuum sémantique semble se tramer de « textura » à « littera » : les fluctuations terminologiques relèvent souvent de la perception elle-même flottante qu'expriment les scribes au sujet de leur art .
Ainsi, au XIVe siècle, « textus » désignait aussi bien le type particulier d'écriture recommandé pour les livres de chœur que le terme plus général synonyme de « littera », dont pouvaient procéder des sous-divisions comme : « textus quadratus », « textus prescisus vel sine pedibus », « textus rotundus » , citées à côté de classes de « nottula » et « littera ».
[...] Il est impossible de dire qui a gagné au concours d'amour. La solidarité remplace la rivalité de départ : Femme ne puet tant amer l'oume con li hom fait le fenme ; car li amors de le fenme est en son oeul et en son le cateron de sa mamele et en son l'orteil del pié, mais li amors de l'oume est ens el cué plantee, dont ele ne puet iscir Ainsi, l'axiome d'Aucassin est démenti par un dénouement où, une fois de plus, Nicolette chante et enchante, trouve et se fait retrouver. [...]
[...] Mais c'est un Tristan sans Yseut qui jouit de cette universelle faveur. Le héros de Béroul est déchiré entre le talent de s'accomplir, chevaleresquement, et celui d'assouvir son désir, amoureusement. Le philtre ne le vide pas : les trois années d'alibi passent, l'amour demeure. Si le talent social implique le retour à la cour, Tristan reste, malgré lui, un asocial. La peur de la rumeur est un vecteur puissant pour Marc, et les barons savent spéculer là-dessus : Se a ta cort resont ensenble, / Ja dira l'en [ ] / Que en consent lor felonie : / Poi i avra qui ce ne die[165] Le roi de Cornouailles n'a pas de talent stable : Senpres est ci et senpres la[166] Il accomplit principalement des actes d'écoute, et se laisse ballotter par les intérêts des autres. [...]
[...] Il préfère tourner son visage vers la paroi et mourir de désespoir. Les vifs diables font noir accueil à son âme. L'émir lui aussi, un talent de païen. Il est aimable, selon Charlemagne, uniquement s'il se convertit, ce qu'il refuse obstinément (et vaillamment). C'est seulement lorsque le roi de France est secouru par saint Gabriel que l'émir est abattu efficacement par l'espee de France Tout est bien qui finit bien, et les chrétiens peuvent se permettre d'aimer une païenne sinon un païen : la dolente Bramidoine. [...]
[...] Il y a défaite, et le vaincu veut assurer la future victoire. Toutefois, le sentiment dominant reste l'optimisme chrétien : Turnat sa teste vers la paiene gent : / Pur ço l'at fait que il voelt veirement/ Que Carles diet e trestute sa gent, / Li gentilz quens, qu'il fut mort cunquerant Aucune évidence extérieure ne peut triompher de l'évidence intérieure. Alors, comme pour glorifier ce paradoxal vainqueur, des anges descendent vers lui. Seul le paradis peut assouvir le talent de Roland. [...]
[...] La description de l'amour dit courtois par G. DUBY convient bien à l'érotique de Bernart Marti : Comme au tournoi, le jeune homme risque sa vie dans l'intention de se parfaire, d'accroître sa valeur, son prix, mais aussi de prendre, prendre son plaisir, capturer l'adversaire A propos de l'amour qu'on dit courtois Mâle Moyen Age. De l'amour et autres essais, Paris p. 75-76. Bertran de Born, Domna, pois de mi no·us chal, J. H. DONALSON (éd. et trad.), Poems of Bertran de Born, Brindin Press http://colecizj.easyvserver.com/povb4032.htm. [...]
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