Cet extrait rapportant le sujet du tableau de Claude adopte une focalisation interne et se fait donc à travers le regard du peintre, ainsi qu'en témoignent les multiples occurrences du verbe "voir" ("Il la vit", lignes 2, 3 et 5 ; "Il voulut la voir", lignes 14, 18 et 20 ; "qu'il avait vue", ligne 26). La description se caractérise ainsi par :
- une vision impressionniste, avec l'absence de notation d'éléments précis, hormis "le quai de l'Horloge" et "le quai des Orfèvres" (ligne 15). Ne s'attachant pas à la réalité, la vision du peintre n'évoque les éléments du paysage que par des termes génériques ("les deux trouées du fleuve", lignes 1-2 ; "les pousses vertes des grands arbres du terre-plein", lignes 4-5 ; ou encore "des édifices", ligne 17), qui ne sont du reste que des prétextes à jouer avec la lumière.
- des notations propres à la peinture, faisant intervenir :
. des couleurs ("hermine", ligne 2 ; "boue", ligne 3 ; "ardoise", ligne 3 ; "vertes", ligne 4 ; "fauve", ligne 8 ; "cuivre", ligne 9 ; "bleu", ligne 11...).
. des contrastes de couleurs et de lumières ("rougeoie", ligne 15 / "ténèbres", ligne 16) ou bien entre le flou et la netteté ("Il voulut la voir sous le soleil levant, se dégageant des brumes matinales", ligne 14) (...)
[...] [ ] Émile Zola, L'Œuvre, chapitre IX (extrait) ÉTUDE ANALYTIQUE Introduction Après la grande entreprise réaliste qu'est La Condition humaine de Balzac (désignant une œuvre comme un modèle fictif grâce auquel le romancier pénètre les mécanismes et les dévoile), Zola se propose de dépasser la simple photographie du réel pour écrire un véritable roman expérimental dans lequel se trouvent étudiées les interactions entre l'individu et son milieu. Ainsi, dans la série des Rougon-Macquart, il fait vivre et souvent travailler des centaines de personnages dans les milieux les plus divers : les spéculations financières et la dépravation des mœurs à Paris sous le Second Empire dans La Curée, le monde ferroviaire dans La Bête humaine, le milieu empesté de nos faubourgs dans L'Assommoir, le monde de la mine et de la grève menée par les mineurs pour accéder à des conditions de travail et de salaire plus décentes dans Germinal Achevé en février 1886, le quatorzième volume de la série, L'Œuvre, fut d'abord publié en feuilleton dans la revue satirique Gil Blas. [...]
[...] Au chapitre IX, obsédé par ses échecs, il entreprend une œuvre gigantesque pour laquelle il est amené à louer un grand hangar. Il revient alors choisir son sujet à un de ses endroits préférés, le pont des Saints-Pères, sur les bords de la Seine, devant la Cité, qu'il avait admiré lors d'une promenade avec Christine. Dans cet extrait, afin de se donner toutes les chances de réussite, il retourne régulièrement s'imprégner de son sujet et décrit alors la multiplicité des apparences qu'il peut observer. [...]
[...] Ce véritable coup de foudre de la première rencontre (il en revenait toujours à la Cité qu'il avait vue la première fois, vers quatre heures, un beau soir de septembre, lignes 25-26) le séduit définitivement, à tel point que la Cité remplace Christine et devient la personne aimée. Elle a supplantée Christine dans le cœur de Claude et l'a remplacée dans les promenades amoureuses du début de roman. Conclusion L'intérêt de cet extrait est double. D'une part, à travers la vision poétisée de Claude et au-delà de l'amitié indéfectible du peintre et de Sandoz, il rend bien compte de l'union faite entre l'art pictural et l'art littéraire faite dans le roman. [...]
[...] D'autre part, il souligne la perversion grandissante de Claude, qui se détache du monde humain pour se livrer à la peinture et aux modèles. [...]
[...] Il la vit, un jour de fin brouillard, se reculer, s'évaporer, légère et tremblante comme un palais des songes. Puis, ce furent des pluies battantes qui la submergeaient, la cachaient derrière l'immense rideau tiré du ciel à la terre ; des orages, dont les éclairs la montraient fauve, d'une lumière louche de coupe-gorge, à demi détruite par l'écroulement des grands nuages de cuivre ; des vents qui la 10 balayaient d'une tempête, aiguisant les angles, la découpant sèchement, nue et flagellée, dans le bleu pâli de l'air. [...]
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