La première partie de l'extrait (lignes 1 à 11) rend compte d'un climat inquiétant :
- c'est d'abord le cas lorsque Claude se lève si vite. Le lecteur se demande alors
qui l'appelle et surtout ce qui le presse ("Un troisième appel le fit se hâter, il passa dans la pièce voisine, en disant : - Oui, oui, j'y vais !", ligne 3). Même si ce qui précède l'extrait indique que c'est "une voix haute, au fond de l'atelier", le mystère demeure car aucune autre précision n'est donnée.
- ensuite, l'ellipse temporelle ("Le jour ne se débrouillait pas", ligne 4 et "au bout
d'une heure", ligne 5) augmente le mystère, d'autant qu'auréolée d'une tonalité sinistre ("sale et triste, un de ces petits jours d'hiver lugubres", ligne 4) qui entoure le réveil de Christine ("dans un grand frisson glacé", ligne 5) et suggère un mauvais pressentiment.
- enfin, le changement de point de vue de la narration marque l'inquiétude et
l'incompréhension de Christine, en passant d'une narration omnisciente (description du petit jour, lignes 4-5) à une focalisation interne sur la jeune femme avec un discours indirect libre qui met en évidence sa peur grâce à l'accumulation rapide de questions (...)
[...] La diabolisation de la peinture À travers le suicide de Claude, la peinture est présentée comme un personnage maléfique qui a conduit le peintre au suicide : - une maîtresse Cette scène offre le dénouement à l'opposition que Zola a créée tout au long du roman entre Christine et la peinture, cette dernière présentée comme une passion adultère pour Claude Oh ! ne dis pas non, je sais bien que ce sont tes maîtresses, toutes ces femmes peintes et personnifiée par les formules l'autre (ligne 10) et la gueuse (ligne 27) qui soulignent cette opposition entre femme légitime et maîtresse, d'autant qu'au XIXème siècle une gueuse désignait une femme de mauvaise vie, une personne très peu respectable. - une entité possessive Plus qu'une maîtresse, elle prend l'aspect d'une entité supérieure qui mène Claude au suicide. [...]
[...] Depuis le début du roman, les tableaux de Claude ont toujours été refusés par le jury du Salon. Pourtant, il a entrepris une œuvre gigantesque avec la ferme intention d'être reçu. Peu à peu, il sombre dans une véritable obsession, laissant sa femme Christine abandonnée, tant affectivement que matériellement. Dans le chapitre XII, le dernier du roman, véritablement obsédé par sa toile, Claude se lève maintenant la nuit pour peindre à la lumière d'une bougie. C'est alors que, excédée par le ressentiment accumulé pendant des mois, Christine se révolte contre la passion adultère de son mari pour la peinture. [...]
[...] Un troisième appel le fit se hâter, il passa dans la pièce voisine, en disant : - Oui, oui, j'y vais ! Le jour ne se débrouillait pas, sale et triste, un de ces petits jours d'hiver lugubres ; 5 et, au bout d'une heure, Christine se réveilla dans un grand frisson glacé. Elle ne comprit pas. Pourquoi donc se trouvait-elle seule ? Puis, elle se souvint : elle s'était endormie, la joue contre son cœur, les membres mêlés aux siens. Alors, comment avait- il pu s'en aller ? [...]
[...] Pourtant, dès cet instant, en précisant Au premier coup d'œil, Zola laisse supposer l'insuffisance de ce regard panoramique. De fait, le second, vertical cette fois, scrute plus précisément l'atelier et découvre l'effroyable réalité (elle leva les yeux vers la toile, et un cri terrible jaillit de sa gorge béante, lignes 13-14). L'effet de suspense prend fin, sans pour autant que le lecteur ne sache encore ce qui s'est vraiment passé. Il est à noter que même le jeu des discours contribue à la gravité de l'événement. [...]
[...] La mise en scène de la pendaison renforce le choc produit par sa disparition brutale. La description au petit matin du corps pendu émeut d'autant plus le lecteur qu'elle est précédée, peu avant, par la scène d'amour, sorte du chant du cygne de Claude, qui fait espérer à la jeune femme qu'elle a reconquis son amant et laisse présager un avenir moins douloureux pour le couple. Bien qu'il ait pris le soin de ménager le suspense en laissant possible une issue moins sombre, Zola confirme là tout son talent avec le dénouement tragique d'une intrigue qui semblait tendre, dès le début du roman, vers la mort. [...]
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