Si dans le premier chapitre, avec l'arrivée de la colonne des insurgés, la description à travers le regard de Silvère laissait apparaître l'opinion républicaine de Zola, cet extrait fait une place particulière au docteur Pascal et lui permet d'exprimer, à travers ce scientifique, sa sensibilité de chef de file du naturalisme. Marginal des appétits de sa famille, ce fils des Rougon a un regard distant d'intellectuel sur la politique et les participants au salon jaune de ses parents, couleur qui, dès l'imagerie médiévale, symbolisait la trahison, la jalousie, la dépravation et l'orgueil (en 1269, influencé par l'Église, Saint-Louis n'obligea-t-il pas les Juifs, considérés depuis les croisades comme des alliés des Musulmans, à porter une rouelle de couleur jaune, en signe d'infamie ?).
a- Un personnage intellectuel et apolitique
Si le docteur Pascal est présent dans le salon jaune, il n'est que passif et là avant tout pour satisfaire la "monomanie" (ligne 2) de sa mère : "Pascal, pour ne pas la chagriner, vint donc passer quelques soirées dans le salon jaune" (lignes 2-3). Le "jeu" politique ne l'intéresse pas et il pensait s'y ennuyer ("Il s'y ennuya moins qu'il ne le craignait", ligne 3).
Il demeure taiseux et n'a pas de contact avec les invités, reproche que lui fera sa mère en essayant de lui faire entrevoir une clientèle potentielle ("Cause donc, lui disait tout bas sa mère, tâche d'avoir la clientèle de ses messieurs", ligne 23). Il est en marge des habitués du salon jaune, observant, exprimant ses sentiments et sollicitant sa mémoire et ses connaissances : "Il regarda avec l'intérêt d'un naturaliste" (ligne 7), "il écouta leurs bavardages vides" (ligne 8), "il l'écoutait bégayer" (ligne 19), "il s'attendait toujours à l'entendre" (ligne 20), "il ne pouvait le voir se lever" (ligne 21). En cela, il a une démarche scientifique et apparaît comme la figure emblématique de l'intellectuel, hormis que, dans ce salon, il est au spectacle et s'amuse (...)
[...] - enfin, la ressemblance entre les deux personnages se trouve cristallisée dans le terme un naturaliste (ligne et tous les deux ont un regard scientifique sur les personnages. II- La métaphore animale L'animalisation des invités Dès le début de l'extrait et la première visite au salon jaune, le docteur Pascal est stupéfait du degré d'imbécilité auquel un homme bien portant peut descendre (ligne expression d'un degré de dégénérescence mentale qui annonce la métaphore animale, puisque les invités lui parurent des animaux curieux qu'il n'avait pas eu jusque-là l'occasion d'étudier (ligne : - dans un premier temps, le texte ne différencie pas les personnages. [...]
[...] Il donne une vision à la fois sinistre et comique du salon jaune et des réactionnaires de Plassans. À travers le regard d'un scientifique, seul fils des Rougon à ne pas être intéressé par l'argent et le pouvoir, le naturalisme sait y observer le monde de manière analytique et expérimentale (Le Roman expérimental, 1880). [...]
[...] L'engagement politique du naturalisme La métaphore animalière seule n'est pas obligatoirement le support d'une satire politique. Mais, il convient de rappeler que le naturalisme est une école littéraire engagée au côté des pauvres et du peuple. Dès le premier chapitre, on a vu que Zola, par la voix et les yeux de Silvère, était favorable aux insurgés. De fait, dans tout le roman, ces derniers seront valorisés, notamment à travers Miette et Silvère, tandis que les personnalités du salon jaune seront ridiculisées. [...]
[...] La Fortune des Rougon, le premier volume, paraît en 1871. Le récit a pour cadre une petite ville provençale, Plassans, qui correspond à Aix-en- Provence, où Zola a passé son enfance et une partie de sa jeunesse, et à Lorgues, dans le Var, où se sont déroulés les événements insurrectionnels de décembre 1851 décrits dans le roman. Ainsi que le dit l'auteur lui-même dans la Préface : le premier épisode : La Fortune des Rougon, doit s'appeler de son titre scientifique : Les Origines De fait, il marque le début de la généalogie des Rougon-Macquart. [...]
[...] Il passa toute une soirée à mesurer son angle facial. Quand il l'écoutait bégayer quelque vague injure contre les républicains, ces 20 buveurs de sang, il s'attendait toujours à l'entendre geindre comme un veau ; et il ne pouvait le voir se lever, sans s'imaginer qu'il allait se mettre à quatre pattes pour sortir du salon. Cause donc, lui disait tout bas sa mère, tâche d'avoir la clientèle de ses messieurs. - Je ne suis pas vétérinaire répondit-il enfin, poussé à bout. [...]
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