C'est une véritable masse en mouvement, chantant La Marseillaise, qui annonce l'arrivée nocturne de la colonne des insurgés.
a- Une masse humaine en mouvement
- Une masse humaine
Cet extrait laisse d'abord paraître l'idée de masse humaine, ainsi que le suggèrent les termes collectifs comme "La bande" (ligne 1), "de nouvelles masses noires" (ligne 5), "la petite armée" (ligne 20), et l'utilisation de nombreux pluriels : "des flots vivants" (ligne 3), "masses noires" (ligne 5), "les derniers bataillons" (ligne 6), "les insurgés" (ligne 17)...
Néanmoins, la présentation peut en paraître ambiguë, étant énorme ("ces quelques milliers d'hommes", ligne 2 ; "flots vivants", ligne 3 ; "masses noires", ligne 5 et "un peuple invisible et innombrable", ligne 16) mais aussi réduite ("La bande", ligne 1 ; "la petite armée", ligne 20), structurée ("les derniers bataillons", ligne 6 ; "la petite armée") bien qu'également sans aucune organisation ("La bande", ligne 1 ; "flots vivants", ligne 3 ; "masses noires", ligne 5 et "longue coulée grouillante", ligne 24).
De plus, nombreuses sont les expressions qui soulignent l' "uniformisation" des manifestants et taisent les individualités : "masses noires" (ligne 5), "un peuple invisible" (ligne 16), "cachés" (ligne 18), "monstrueusement indistincte dans l'ombre" (ligne 25). Même la luminosité semble en rendre compte, ceux-ci n'étant qu'à peine éclairés par "les bleuâtres clartés de la lune" (lignes 15-16), magnifiant ainsi la symbolique du peuple qui, resté longtemps caché, sort de l'ombre et fait entendre sa voix.
- Une foule en mouvement
À l'image du drapeau tricolore agité par une femme du peuple et de la foule d'émeutiers franchissant une barricade du tableau de Delacroix, La Liberté guidant le peuple (toile qui, par son aspect allégorique et sa portée politique, a été souvent choisie comme symbole de la République française et de la démocratie), la scène de cet extrait rapporte le mouvement de la foule descendant le coteau pour arriver à la Viorne : "La bande descendait" (ligne 1), "la petite armée descendit la côte" (lignes 20-21), "approchaient du pont" (ligne 25) (...)
[...] Ainsi que le dit l'auteur lui-même dans la Préface : le premier épisode : La Fortune des Rougon, doit s'appeler de son titre scientifique : Les Origines De fait, il marque le début de la généalogie des Rougon-Macquart. Le premier chapitre rapporte l'arrivée à Plassans des insurgés du mouvement populaire de révolte contre le coup d'État du 2 décembre 1851 par lequel Louis-Napoléon Bonaparte a violé la légalité républicaine pour instaurer le Second Empire. C'est le point de convergence de deux histoires, celle de Silvère et Miette d'une part, et celle du coup d'État de Napoléon III avec le soulèvement des républicains d'autre part. [...]
[...] Le lecteur a l'impression d'assister à une actualisation du mythe des Titans, divinités primordiales géantes ayant précédé les Dieux de l'Olympe. Conclusion Cet extrait présente le personnage collectif des insurgés qui joue un rôle important dans le roman et s'oppose à une force antagoniste, le salon jaune, c'est-à-dire les réactionnaires de Plassans. À travers la description hyperbolique valorisante de la colonne et la focalisation du regard de Silvère, le lecteur prend conscience que Zola se cache en fait derrière le jeune homme. [...]
[...] La route, devenue torrent, roulait des flots vivants qui semblaient ne pas devoir s'épuiser ; toujours, au coude du chemin, se montraient de nouvelles 5 masses noires, dont les chants enflaient de plus en plus la grande voix de cette tempête humaine. Quand les derniers bataillons apparurent, il y eut un éclat assourdissant. La Marseillaise emplit le ciel, comme soufflée par des bouches géantes dans de monstrueuses trompettes qui la jetaient, vibrante, avec des sécheresses de cuivre, à tous les coins de la vallée. [...]
[...] Alors ce ne fut plus seulement la bande qui chanta ; des bouts de l'horizon, des rochers lointains, des pièces de terre labourées, des prairies, des bouquets d'arbres, des moindres broussailles, semblèrent sortir des voix humaines ; le large amphithéâtre qui monte de 15 la rivière à Plassans, la cascade gigantesque sur laquelle coulaient les bleuâtres clartés de la lune, étaient comme couverts par un peuple invisible et innombrable acclamant les insurgés ; et, au fond des creux de la Viorne, le long des eaux rayées de mystérieux reflets d'étain fondu, il n'y avait pas un trou de ténèbres où des hommes cachés ne parussent reprendre chaque refrain avec une colère plus haute. La campagne, dans 20 l'ébranlement de l'air et du sol, criait vengeance et liberté. Tant que la petite armée descendit la côte, le rugissement populaire roula ainsi par ondes sonores traversées de brusques éclats, secouant jusqu'aux pierres du chemin. Silvère, blanc d'émotion, écoutait et regardait toujours. [...]
[...] Du reste, la suite du chapitre assimilera assez explicitement Miette à la femme du peuple qui porte le drapeau tricolore dans le tableau de Delacroix, la dernière réplique du chapitre lui permettant de dire : Il me semble que je suis à la procession de la Fête-Dieu, et que je porte la bannière de la Vierge. Une valorisation hyperbolique des insurgés Tout dans la description de la scène donne lieu à des hyperboles : - alors que les insurgés ne sont que quelques milliers d'hommes (ligne l'irruption est terriblement grandiose (lignes 1-2). Les hommes ont des bouches géantes (ligne qui chantent dans de monstrueuses trompettes (ligne 8). [...]
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