Cet extrait oppose très nettement le monde des humains à celui des objets, souligné par la présence très marquée de repères spatiaux opposés ("Du dehors", ligne 4 ; "À l'intérieur", ligne 7). De fait, il débute par la disparition progressive des clientes ("Lentement, la foule diminuait", ligne 1) et s'achève par l'expansion, elle aussi progressive, des marchandises.
Un effet d'accumulation
Reprenant un principe naturaliste par excellence, Zola traduit l'accumulation des marchandises dans les rayons par (...)
[...] Des volées de cloche, à une heure d'intervalle, avaient déjà sonné les deux premières tables du soir ; la troisième allait être servie, et dans les rayons, peu à peu déserts, il ne restait que des clientes attardées, à qui leur rage de dépense faisait oublier l'heure. Du dehors, ne venaient plus que les roulements des 5 derniers fiacres, au milieu de la voix empâtée de Paris, un ronflement d'ogre repu, digérant les toiles et les draps, les soies et les dentelles, dont on le gavait depuis le matin. À l'intérieur, sous le flamboiement des becs de gaz, qui, brûlant dans le crépuscule, avaient éclairé les secousses suprêmes de la vente, c'était comme un champ de bataille encore chaud du massacre des tissus. [...]
[...] Les hyperboles Elles permettent à l'auteur de montrer la scène sous un jour excessif. Outre des images qui dramatisent le spectacle (comme par exemple : que paraissait avoir saccagés le souffle furieux d'un ouragan, lignes 10-11), on peut noter l'emploi systématique du pluriel, l'insistance sur le nombre et l'emploi de termes collectifs et d'hyperboles (leur rage de dépense, lignes 3-4 ; les secousses suprêmes de la vente, ligne 8 ; Les vendeurs, harassés de fatigue, ligne 9 ; la débandade des chaises, ligne 12 Conclusion Cet extrait du quatrième chapitre est caractéristique du paradoxe de l'écriture zolienne : la volonté naturaliste d'épuiser le réel est corrompue par une rhétorique de la prolifération qui donne à l'univers matériel une vie qu'anime un souffle épique. [...]
[...] Ainsi, - la métaphore militaire suggère la victoire de l'objet sur l'humain (c'était comme un champ de bataille encore chaud du massacre des tissus, lignes 8-9 ; comme des capotes de soldats mis hors de combat, ligne 19 ) - alors que paradoxalement, une comparaison érotique sous- entend une victoire féminine (les dentelles et la lingerie, dépliées, froissées, jetées au hasard, faisaient songer à un peuple de femmes qui se serait déshabillé là, dans le désordre d'un coup de désir, lignes 19 à 21) - la métaphore monstrueuse de l'ogre et certaines personnifications (un ronflement d'ogre repu, ligne 5 ; digérant et gavait, ligne 6 ; dégorgeait, ligne 22 ; éclatait, ligne 23) donnent à la métaphore mécanique de la machine surchauffée (ligne 23) une dimension plus inquiétante, accentuée par la métaphore filée de la catastrophe naturelle (le souffle furieux d'un ouragan, ligne 11 ; une mer de pièces, ligne 14 ; des piles [ ] semblaient des maisons dont un fleuve débordé charrie les ruines, lignes 14-15 ; des banquises de serviettes, ligne 16). II- Une scène épique Dans cet extrait, Zola a recours à de nombreux procédés afin de donner une tonalité épique à la scène. La métaphore guerrière Procédé épique par excellence, elle donne à la vente l'allure d'un événement extraordinaire. [...]
[...] De fait, il débute par la disparition progressive des clientes (Lentement, la foule diminuait, ligne et s'achève par l'expansion, elle aussi progressive, des marchandises. Un effet d'accumulation Reprenant un principe naturaliste par excellence, Zola traduit l'accumulation des marchandises dans les rayons par : - la volonté de précision et d'exhaustivité, témoignée surtout par le champ lexical du nombre et les multiples pluriels : du massacre des tissus (ligne la débâcle de leurs casiers et de leurs comptoirs (ligne une barricade de cartons (ligne une mer de pièces (ligne 14) - la volonté stylistique de suggérer l'envahissement et la prolifération des objets, avec notamment les métaphores de la neige (le blanc avait neigé à terre, on butait contre des banquises de serviettes, on marchait sur les flocons légers des mouchoirs, lignes 16-17) et de la guerre (c'était comme un champ de bataille encore chaud du massacre des tissus, lignes 8-9 ; Même ravages en haut, dans les rayons de l'entresol, les fourrures jonchaient les parquets, les confections s'amoncelaient comme des capotes de soldats mis hors de combat, les dentelles et la lingerie, dépliées, froissées, jetées au hasard, faisaient songer à un peuple de femmes qui se serait déshabillé là, dans le désordre d'un coup de désir, lignes 17 à 21). [...]
[...] Les vendeurs, harassés de fatigue campaient parmi la débâcle de leurs casiers et de leurs comptoirs, que paraissait avoir saccagés le souffle furieux d'un ouragan. On longeait avec peine les galeries du rez-de- chaussée, obstruées par la débandade des chaises ; il fallait enjamber, à la ganterie, une barricade de cartons, entassés autour de Mignot ; aux lainages, on ne passait plus du tout, Liénard sommeillait au-dessus d'une mer de pièces, où des piles restées debout, à 15 moitié détruites, semblaient des maisons dont un fleuve débordé charrie les ruines ; et, plus loin, le blanc avait neigé à terre, on butait contre des banquises de serviettes, on marchait sur les flocons légers des mouchoirs. [...]
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