Participant à la dynamique dramatique du roman, outre qu'il fait progresser l'intrigue, cet extrait permet d'émanciper la bestialité des amants, révélant leur vraie nature. L'aveu de Séverine offre ainsi un récit exhaustif du meurtre de Grandmorin. Trop longtemps tue par la jeune femme, sa confession à Jacques résonne comme une révélation, certes bien singulière. À mesure de l'aveu de la préméditation puis de l'exécution du crime, n'épargnant aucun détail sordide, elle semble connaître une franche délectation (...)
[...] - Et, ensuite, il a eu une secousse, hein ? - Oui, trois secousses, oh ! d'un bout à l'autre de son corps, si longues, que je les ai suivies jusque dans ses pieds. - Des secousses qui le raidissaient, n'est-ce pas ? 15. - Oui, la première très forte, les deux autres plus faibles. - Et il est mort, et à toi qu'est-ce que ça t'a fait, de le sentir mourir comme ça, d'un coup de couteau ? - À moi, oh ! [...]
[...] - Tu ne sais pas, pourquoi mens-tu ? Dis-moi, dis-moi ce que ça t'a fait, bien 20 franchement De la peine ? - Non, non, pas de la peine ! - Du plaisir ? - Du plaisir, ah ! non, pas du plaisir ! - Quoi donc, mon amour ? Je t'en prie, dis-moi tout Si tu savais Dis-moi ce 25. qu'on éprouve. - Mon Dieu ! [...]
[...] Les dents serrées, n'ayant plus qu'un bégaiement, Jacques cette fois l'avait prise ; et Séverine aussi le prenait. Ils se possédèrent, retrouvant l'amour au fond de la mort, dans 30 la même volupté douloureuse des bêtes qui s'éventrent pendant le rut. Leur souffle rauque, seul, s'entendit. Au plafond, le reflet saignant avait disparu ; et, le poêle éteint, la chambre commençait à se glacer, dans le grand froid du dehors. Pas une voix ne montait de Paris ouaté de neige. [...]
[...] Mais Jacques, qu'elle avait bouleversé et qui brûlait comme elle, la retint encore. - Non, non, attends Et tu étais aplatie sur ses jambes, et tu l'as senti mourir ? 5 En lui, l'inconnu se réveillait, une onde farouche montait des entrailles, envahissait la tête d'une vision rouge. Il était repris de la curiosité du meurtre. - Et alors, le couteau, tu as senti le couteau entrer ? - Oui, un coup sourd. - Ah ! un coup sourd Pas un déchirement, tu es sûre ? 10. [...]
[...] Une atmosphère propice Par ailleurs et de manière tout à fait significative, l'atmosphère de la chambre, d'abord dominée par le motif de l'embrasement : la montée ardente (ligne brûlait (ligne une vision rouge (ligne révèle après l'étreinte des amants une teinte plus sinistre et sombre : Au plafond, le reflet saignant avait disparu ; et, le poêle éteint, la chambre commençait à se glacer, dans le grand froid du dehors (lignes 31-32). Et ceci, à l'intérieur comme à l'extérieur : Pas une voix ne montait de Paris ouaté de neige (lignes 32-33). Conclusion Évocateur du caractère universel de la dualité pulsionnelle de l'être humain (que Freud abordera en 1929 dans La Malaise dans la civilisation), par l'étreinte de Jacques et Séverine, Zola signifie que l'expérience de l'extase se réalise par-delà toute morale mais aussi toute explication et tout discours. [...]
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