Faire se mouvoir des personnages réels, donner au lecteur un lambeau de la vie humaine, tout le roman naturaliste est là, et c'est bien ce projet d'écriture que Zola met en oeuvre dans L'Assommoir, roman qu'il fait paraître en 1877 et dans lequel il dépeint la misère sociale et les ravages causés par l'alcool dans le milieu ouvrier, Gervaise, abandonnée par Lantier, se décide à accepter la proposition de mariage de Coupeau. Après le mariage la noce décide de visiter le Louvre sur la proposition de M. Madinier. Il s'agit d'un des passages les plus ironiques du livre. Zola joue d'une complicité de bourgeois cultivé avec le lecteur et s'amuse de l'inculture des personnages.
[...] Madinier se taisait pour ménager un effet. Il alla droit à la Kermesse de Rubens. Là, il ne dit toujours rien, il se contenta d'indiquer la toile, d'un coup d'œil égrillard. Les dames, quand elles eurent le nez sur la peinture, poussèrent de petits cris ; puis, elles se détournèrent, très rouges. Les hommes les retinrent, rigolant, cherchant les détails orduriers. Voyez donc ! répétait Boche, ça vaut l'argent. En voilà un qui dégobille. Et celui-là, il arrose les pissenlits. [...]
[...] Il faut voir dans ce jeu de focalisations l'expression de l'ironie de Zola sur ses personnages. Celle-ci est encore renforcée par l'inaptitude de la noce à percevoir l'intérêt de l'art. II L'inculture de la noce 1. L'inaptitude à percevoir réellement l'intérêt de l'art Cette inaptitude a déjà été commentée au début du texte. Si la noce ne comprend pas c'est parce qu'elle n'a pas de culture artistique. Elle n'est pas sensible à la technique des peintres, elle ne s'intéresse qu'à la nature des tableaux : «paysages tout noirs», «bêtes devenues jaunes», «violent tapage de couleur». [...]
[...] Par opposition, la noce apparaît comme laide et vulgaire. Zola enlaidit les personnages «les cous tordus et les yeux en l'air». Leurs attitudes ridicules tranchent avec la beauté du Louvre. On a bien un contraste entre la laideur de la noce et la beauté de l'art : «les siècles d'art», «les splendeurs des Vénitiens», «belle de lumière des Hollandais». L'adjectif «tordus» est très péjoratif. On a un contraste à la fin du premier entre le «troupeau» qui a perdu son respect («traînait») et la beauté du Louvre «propreté des salles» Point de vue et discours Zola exprime son point de vue d'auteur, il juge la noce «ignorance ahurie». [...]
[...] Dans L'Assommoir, Zola décrit souvent les personnages en groupe et de manière péjorative. On retrouve une caractéristique de L'Assommoir avec «défilé», «cortège» ; on a aussi une animalisation de la noce avec «troupeau», on peut penser soit à un troupeau de moutons car ils font tous la même chose, cela montre leur bêtise, soit à un troupeau d'éléphants avec le «piétinement». Ils sont bêtes et bruyants. On remarque l'effet de miroir entre les personnages et les tableaux : «une débandade de gens» et «troupeau débandé». [...]
[...] Madinier ne parlait plus, menait lentement le cortège, qui le suivait en ordre, tous les cous tordus et les yeux en l'air. Des siècles d'art passaient devant leur ignorance ahurie, la sécheresse fine des primitifs, les splendeurs des Vénitiens, la vie grasse et belle de lumière des Hollandais. Mais ce qui les intéressait le plus, c'étaient encore les copistes, avec leurs chevalets installés parmi le monde, peignant sans gêne ; une vieille dame, montée sur une grande échelle, promenant un pinceau à badigeon dans le ciel tendre d'une immense toile, les frappa d'une façon particulière. [...]
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