a- Le destinataire
Zola s'adresse au Président de la République ("monsieur le Président", ligne 1) à l'aide de multiples occurrences (26) de la première personne du singulier, sujets de la majorité des verbes. L'anaphore de J'accuse structure le texte (avec 10 occurrences, souvent placées en début de paragraphe : lignes 15, 19, 21, 25, 28, 31, 34, 37, 38 et 44). Cette liste permet d'énumérer les principaux responsables de la condamnation de Dreyfus et les griefs qu'il leur reproche.
Comme cela est indiqué sur l'édition originale de L'Aurore en dessous du titre de l'article, la lettre s'adresse au premier personnage de la IIIème République, Félix Faure. Ainsi, l'apostrophe "monsieur le Président" (ligne 1) comme le rappel de sa fonction ("votre présidence", ligne 2) semble disculper Félix Faure d'une éventuelle accusation. Par cet habile procédé argumentatif, tout en signalant sa non-responsabilité en tant que président ("Je me doute bien", ligne 2 ; "le prisonnier de la Constitution et de votre entourage", lignes 3-4), l'auteur attire cependant son attention sur le jugement de la postérité ("elle restera pour votre présidence une souillure", ligne 2), jugement suggéré dès l'introduction ("l'histoire écrira que c'est sous votre présidence qu'un tel crime a pu être commis"), et fait appel à sa dignité humaine avec une concession ("Vous n'en avez pas moins un devoir d'homme", ligne 4).
b- Une requête polie et pressante
Zola adresse sa requête avec politesse ("Veuillez agréer, monsieur le Président, l'assurance de mon profond respect", ligne 52) mais aussi fermeté ("J'attends", ligne 51), fermeté dont le détachement souligne que l'auteur ne saurait souffrir aucun délai. Les repères temporels opposent d'ailleurs un présent répété, propice à la justice ("C'est aujourd'hui", ligne 7 ; "puisque aujourd'hui", ligne 8), à un avenir qui ternira la présidence ("le jour où elle éclate", ligne 11 ; "pour plus tard", ligne 12) (...)
[...] II- La quête de la vérité Des accusations nominatives À la façon d'un réquisitoire dans un procès, la péroraison conduit à l'énumération des coupables et de leurs forfaits. Zola enchaîne les accusations nominatives (lignes et voyant dans l'affaire Dreyfus, tantôt la fourberie des hommes (l'ouvrier diabolique, ligne 15 ; néfaste, ligne 17 ; la plus monstrueuse partialité, ligne tantôt avec un goût de la satire prononcé, une tare innée ou professionnelle avec une antiphrase insistant sur la personnalité malsaine du lieutenant-colonel du Paty de Clam (en inconscient, je veux le croire, ligne une allusion comme par faiblesse d'esprit (ligne 19) ou avec l'ironie qui dénonce des accusés secondaires à la solde de l'armée (à moins qu'un examen médical ne les déclare atteints d'une maladie de la vue et du jugement, lignes 32-33). [...]
[...] Précédé au XVIIIème siècle par l'engagement de Voltaire dans L'affaire Calas et en 1852 par Victor Hugo qui condamne vigoureusement le coup d'État du 2 décembre 1851 dans Napoléon le petit, pamphlet publié dans Histoire d'un crime, cet article représente le symbole de l'éloquence oratoire et du pouvoir de la presse mis au service d'une cause juste et généreuse. Révélateur de l'apparition de l'opinion publique et de l'importance grandissante de la presse, l'exposé de l'article J'accuse ! est dense, seulement rompu par un jeu d'astérisques. Avec un peu d'attention, le lecteur distingue assez facilement les différents ensembles qui se succèdent. Zola explique comment l'erreur judiciaire de l'affaire Dreyfus est née, de quelle façon la condamnation a été prononcée, dans quel engrenage Dreyfus s'est trouvé pris. [...]
[...] Émile Zola ÉTUDE ANALYTIQUE Introduction J'accuse ! est le titre d'une lettre ouverte publiée dans le journal L'Aurore du 13 janvier 1898, adressée au président de la République Félix Faure et rédigée par Émile Zola, écrivain naturaliste engagé dans la lutte pour réhabiliter le capitaine d'artillerie Alfred Dreyfus, injustement condamné par les tribunaux de l'armée française pour traîtrise envers sa patrie. Il y dénonce la machination politique, n'hésite pas à s'attaquer au ministre de la Guerre, aux militaires et à leurs tribunaux. [...]
[...] Celle-ci agit seule (la vérité est en marche, et rien ne l'arrêtera, lignes et Zola se présente comme son simple dépositaire et son acte comme une action citoyenne légitime même si elle s'avère exceptionnelle car dernier moyen de sauver Dreyfus (Et l'acte que j'accomplis ici n'est qu'un moyen révolutionnaire pour hâter l'explosion de la vérité et de la justice, lignes 46-47). - une tonalité épique. Zola s'engage non contre des individus mais contre de véritables incarnations du mensonge (Ils ne sont pour moi que des entités, des esprits de malfaisance sociale, lignes 45-46). [...]
[...] Dans ce véritable pamphlet accusateur, décrit par l'auteur lui-même comme un moyen révolutionnaire (ligne il achève en dressant surtout un violent réquisitoire contre ceux qui ont dégradé et banni Dreyfus, employant une argumentation implacable au service d'une exigence de vérité. Justifiant à elle seule la lettre, c'est cette conclusion que nous allons étudier. Une argumentation inflexible Le destinataire Zola s'adresse au Président de la République (monsieur le Président, ligne à l'aide de multiples occurrences de la première personne du singulier, sujets de la majorité des verbes. [...]
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