C'est dans un paysage obscur où tout n'est que magnificence lugubre que nous évoluons aux côtés de ce Calife extravagant : Vathek. Peut-être est-ce l'avatar de son propre créateur, Beckford, qui connaît la décadence de son siècle (XVIIIème). Ce conte poétiquement étonnant concilie sensibilité et immoralité humaine. Dans cette époque résolument philosophique, l'auteur a su peindre un paysage oriental en utilisant ses verves novatrices telles que les influences gothiques, pré-romantiques ainsi que du solipsisme. Tout est intrinsèquement lié pour ne former qu'une oeuvre majestueuse et avant-gardiste. Le décor oriental que nous offre ce conte, est topique du XVIIIème siècle. Cependant, Beckford s'amuse à déjouer les codifications et nous fait voyager dans un monde fantasmagorique où le fantastique des ténèbres se joue de l'extravagante beauté de l'Orient. Vathek, c'est un homme qui aspire au pouvoir éternel et au savoir impossible. C'est un Calife qui va rencontrer un étrange marchand, aux miraculeuses marchandises. Cet homme aux allures de commerçant s'enfuit une fois, puis deux. Ne supportant pas qu'on lui résiste, Vathek décide de suivre cet Indien qui s'est logé au fond des ténèbres d'un gouffre. Ainsi, l'insolente curiosité du Calife va le mener à sa perte et particulièrement vers la folie. Le passage que nous étudions est un instant important dans l'oeuvre. En effet, c'est à ce moment précis que Vathek va franchir les limites du raisonnable en réalisant un pacte avec le Démon et en acceptant l'affreux sacrifice demandé.
Cette scène, clé de l'oeuvre, annonce le commencement et la finitude funeste de l'ignoble Calife. Cependant, nous pouvons nous demander, comment cette scène, point apothéotique, nous peint un nouvel exotisme oriental où toutes les codifications du beau ne sont plus que mirage pour ne laisser place qu'à cet enfer terrestre excessif dans lequel le lugubre et l'immoralité sont omniprésents et où la sensibilité novatrice beckfordienne nous fait voyager entre les genres.
Nous sommes d'abord immergés dans un univers aux multiples mirages. Vathek c'est avant tout un Orient aux antipodes du raisonnable. En effet, Beckford nous peint une critique incisive de cet horizon aux ambitions extrêmes où la représentation ambiguë entre le sacré et le profane tient une place considérable. Mais outre cette vision quelque peu négative, nous sommes conviés aux promenades solitaires du Calife où la philosophie concilie puissance et connaissance. Mais le conte beckfordien c'est aussi un monde diabolisé dans tous ses excès. L'extrait que nous étudions est le moment clé de l'oeuvre. C'est le pacte avec le mal, cet éloge magnifique d'une cérémonie mystique qui nous fait découvrir la perdition d'un homme face à son démon. L'auteur se joue des codes et créé un Orient aux topoï renversés (...)
[...] Ainsi, l'auteur de Vathek était un précurseur qui se réjouissait de créer une œuvre composite dans laquelle la sensibilité du pré-romantisme flirte majestueusement avec l'horreur du gothique. Cet Orient surnaturel nous plonge dans un univers qui se situe entre deux genres. Tous les topoï du pré-romantisme y sont présents et s'allient naturellement avec le cadre gothique qu'intègre Beckford. Ce-dernier, nous offre une nouvelle vision du conte qui n'est qu'en fait le mirage d'un conte arabe Pour composer son conte, Beckford s'est inspiré de productions manuscrites orientales. [...]
[...] Ainsi, l'auteur nous immerge aux confins d'un orientalisme classique. Cependant, les autres images usitées peuvent être interprétées comme étant une nouvelle vision de ce magnifique horizon où tout n'est que monstruosité et obscurité. C'est avant tout un nouveau monde oriental entre des images fixes et des topoï renversés. A la fin du XVIIIème siècle, l'Orient suscite une fascination extrême. Mais, la tradition orientale est plus ancienne. En effet, déjà au Moyen- Age, nous retrouvons des descriptions sur cet ailleurs qui intrigue et éveil toutes les curiosités. [...]
[...] Vathek est avide de connaissance et la tour est la figure même de l'élévation et du pédantisme de l'homme savant qui ne se considère pas comme un individu ordinaire. Dans notre extrait, la tour du Calife est embrumée par une étrange manifestation venue du ciel : Comme cet horrible phénomène paraissait toucher à sa tour, il pensa d'abord à y monter pour l'observer de plus près (p. 33). Ici, la tour métaphorise l'âme et les ambitions du Calife. Elle s'assombrie au moment même où Vathek va s'enliser dans le gouffre des enfers. [...]
[...] L'idéal diabolique est en vogue et Beckford n'hésite pas à créer son propre Démon : l'Indien (c'est-à-dire Eblis). D'ailleurs, nous pouvons imaginer que le tourment de Vathek concernant Eblis peut aussi être lié aux sentiments amoureux. En effet, plus loin dans le texte, nous pouvons lire ceci : Vathek, mon bien-aimé, tu as surpassé mes espérances (p. 52). Tout est mystère dans ce lieu Oriental aux secrets obscurs. C'est à travers les ténèbres que Vathek évolue jusqu'à ce que l'enfer s'ouvre à ses pieds : vit que la terre s'était entrouverte (p. [...]
[...] Beckford, lui, dès la fin du XVIIIème siècle, nous offre un conte incisif qui ne dépeint pas le plus beau visage du royaume oriental. L'occident a pour habitude de caricaturer, de manière excessive, les conditions politiques dans lesquelles vivent et survivent les orientaux. Dans l'extrait que nous étudions, nous retrouvons Vathek dirigeant ses fidèles de façon autoritaire et démesurée : il ordonna qu'on lui dressât ses tentes [ ] et après avoir fait allumer mille flambeaux et commandé qu'on ne cessât d'en allumer, il se coucha sur la rive bourbeuse (p. [...]
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