W ou le Souvenir d'enfance, chapitre 1, Georges Perec, préludes, récit de voyage, dualité, travail de mémoire, récit semi-autobiographique, Seconde Guerre mondiale, commentaire de texte
Avec "W ou le Souvenir d'enfance", Georges Perec découd son passé pour le fondre en deux récits, l'un autobiographique, l'autre fictif. C'est à l'âge de treize ans qu'il construit l'histoire d'une île, W, certainement pour extérioriser les atrocités de sa jeunesse : son père, Icek Peretz, est mort sur le terrain pendant la Seconde Guerre mondiale et sa mère, Cyrla Peretz, a été déportée à Auschwitz en 1943 et n'est jamais revenue de l'horreur des camps. En 1975, il publie ce récit semi-autobiographique, semi-fictif où s'imbriquent deux histoires, la sienne et celle d'un imaginaire marquées par les atrocités de la guerre. L'on découvre dans ce premier chapitre Gaspard Winckler, héros qui imprègne les pages dactylographiées en italique, signe indéniable de la partie fictive du roman.
[...] Pourtant, il ne peut s'empêcher de la raconter à travers ce roman. Gaspard Winckler se nomme simple témoin et nie avoir un rôle : « je fus témoin, et non acteur. Je ne suis pas le héros de mon histoire. Je n'en suis pas non plus exactement le chantre. » Il n'en demeure pas moins que c'est son histoire qu'il raconte, qu'il part d'une base sensorielle et personnelle : ses souvenirs. Rien n'est plus acteur que de témoigner grâce à ses sens. [...]
[...] En conclusion, ce premier chapitre de W ou le souvenir d'enfance marque d'abord l'accomplissement d'un devoir de mémoire et une volonté de transmettre un récit exact autant dans le fond que la forme. Il est aussi le fruit d'une dualité perceptible à travers le récit de Gaspard Winckler, mais aussi (le lecteur pourra s'en rendre compte plus tard) à travers l'oeuvre tout entière. Ce chapitre, prélude au récit qui va être entamé, permet de poser les bases nécessaires pour que le lecteur suive le narrateur lui-même empreint d'une double personnalité sujet/témoin. [...]
[...] Ensuite, s'il est fondamentalement le sujet premier du récit de son voyage, il reste comme il aime à dire aussi un témoin clé. Un témoin pour l'Histoire comme on l'a expliqué plus tôt, mais aussi un témoin de son histoire. Dès les premières lignes, on sent que la charge émotionnelle est grande : le narrateur évoque des « scrupules », des « prétextes » qui l'ont poussé à ne pas écrire plus tôt. Derrière le traumatisme qu'on imagine, il y à présent, une volonté urgente de transmettre : « Je m'y résous aujourd'hui, poussé par une nécessité impérieuse, persuadé que les événements dont j'ai été le témoin doivent être révélés et mis en lumière. » En étant à la fois sujet de l'histoire qu'il conte et témoin, il peut affirmer certaines vérités : « j'ai vu entrer un homme que j'ai cru reconnaître. [...]
[...] Il semble qu'au-delà du voyage qu'il veut entamer, il soit en quête de souvenirs comme pour se prouver à lui-même que ce n'est pas qu'un cauchemar et peut-être, pour y trouver du sens : « Longtemps j'ai cherché les traces de mon histoire, consulté des cartes et des annuaires, des monceaux d'archives. Je n'ai rien trouvé ( ) » ; « Lentement, j'oubliais les incertaines péripéties de ce voyage. » L'ancrer dans la réalité en le contant permet aussi au narrateur de l'extérioriser pour ne plus être hanté par des souvenirs confus. III. Un sujet et un témoin à la fois Pour terminer cette analyse, cette troisième partie aura pour but de démontrer que le narrateur reste malgré tout sujet et témoin du récit de son voyage. [...]
[...] Peut- être, pose-t-il même les fondations nécessaires au roman dans son entièreté. [...]
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