L'extrait qui nous occupe se situe dans un épisode d'une grande importance dans la 1re partie du roman, à savoir les vacances à Sainteville. Les passages qui appartiennent à l'univers enfantin y sont nombreux et ils s'opposent, par l'imagination qu'il développe, au monde très codifié des adultes.
Le chapitre 26 s'ouvre sur un portrait d'Yvonne, qui commence à devenir en quelque sorte la préférée de Pascal. Yvonne est présentée comme une « drôle de fille », le trait qui la caractérise étant une imagination débordante. On peut rappeler que, lors des jeux des trois enfants, Suzanne avait le rôle d'une princesse, et Yvonne le rôle d'une servante simple d'esprit s'exprimant dans un langage incompréhensible : le langage Ouah-Ouah.
Ce terme composé d'une onomatopée répétée et n'ayant aucun autre sens que celui que les enfants lui donnent ne peut que rappeler le mouvement Dada. (Ouah-Ouah / Dada les sonorités nous incitent à faire ce rapprochement). Ce passage peut être une représentation de la liberté recherchée dans le langage, ce qui correspond donc au dadaïsme.
[...] Cet emploi de l'anglais est paradoxal : d'un côté c'est comme si Suzanne admettait cette incapacité du langage, comme si elle se créait le sien propre en réaction contre celui d'Yvonne, mais d'un autre côté il donne un côté pédant à Suzanne car ce seul mot Mother suffit à montrer que son rang social lui a permis de voyager à l'étranger. Conclusion Ce passage, ainsi que les autres moments de jeux enfantins où un monde imaginaire impose de nouvelles règles, nous rappelle les débuts d'Aragon dans le surréalisme. L'esprit d'enfance est mis en avant, ainsi que le jeu avec les convenances et les conventions et un certain rejet de la logique. Le langage se veut libre. [...]
[...] En effet, volubile peut signifier bavard, et se rapporte donc au langage, mais peut aussi vouloir dire changeant, mobile. Cela nous rappelle donc que, dans le monde imaginaire des enfants, les mots ne sont pas attachés de façon stable aux choses, et ils plient la réalité à leur fantaisie). Citons à nouveau Hugo Ball qui dit Pourquoi l'arbre ne pourrait-il pas s'appeler Plouplouche et Plouploubache quand il a plu ? Cette complicité avec Pascal qu'elle exhibe est aussi présente dans l'emploi du terme prince de bisque-basque Plus tôt, Yvonne avait plus ou moins avoué à Pascal qu'elle l'aimait en l'appelant son prince, et ça, Suzanne n'est pas au courant ! [...]
[...] II- Résoudre la crise par l'absurde C'est alors qu'Yvonne prend la parole, ce qui constitue une transition dans la crise et amène à sa résolution tu parles comme si tu étais un bisque- basque Aragon nous dit d'ailleurs clairement on sort de toute cette mauvaise humeur par le chemin Ouah-Ouah autrement dit, la crise, à l'origine sérieuse, semble se résoudre par l'absurde. Elle crée la surprise en inventant un nouveau mot : bisque-basque. Cette expression rappelle la locution enfantine bisque bisque rage qui s'emploie pour narguer ouvertement quelqu'un quand on est en position de force. [...]
[...] Yvonne accuserait donc Pascal de narguer Suzanne. Seulement, l'expression est détournée et joue plutôt sur les sonorités redondantes, ce qui la rapproche donc du Ouah- Ouah déjà connu des enfants. Selon Yvonne, un bisque-basque est un Ouah- Ouah mâle, ce qui indique plutôt que Pascal raconte n'importe quoi. Ce n'importe quoi est pourtant une vérité. Le monde qu'est en train d'inventer Yvonne détruit donc toute forme de logique, et rejette ce qui est rationnel, puisque dire une vérité, c'est parler Ouah-Ouah. [...]
[...] On l'imagine un peu rouge, essoufflée, sa mise un peu défaite. Elle cherche les adultes du regard, elle semble plus à son aise dans leur monde que dans celui de ses camarades, dont les règles fantaisistes ne sont pas stables. La réaction de Pascal détruit l'argument de Suzanne en le tournant en dérision, du coup Suzanne trouve une autre justification : ils risquent d'être en retard pour le déjeuner, et ce n'est pas poli. Deux choses transparaissent ici : on a tout d'abord la confirmation que Suzanne est plus attachée aux conventions, aux règles du monde des adultes, puisqu'elle invoque la politesse. [...]
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