Il s'agit d'un récit d'aventures, une utopie et dès lors un travail directement lié à la question de l'imagination. Les utopies prétendent mettre en évidence des univers imaginaires et des mondes proposant des alternatives à notre réalité, qu'elles soient positives ou négatives. L'utopie vient d'un mot grec : u topos = lieu qui n'existe pas. Il s'agit toujours d'aventures et de pays imaginaires explorés par des personnages qui ont une double fonction : stimuler l'imagination et proposer une version critique du monde. Il peut proposer des mondes positifs ou négatifs par rapport au nôtre. Swift est un auteur du XVIIIe siècle, siècle pourvoyeur d'utopie (contes philosophiques de Candide).
[...] Si les yahoos de Gulliver n'ont pas une tête de taureau, le caractère bestial de leur visage rappelle cette férocité. La bestialité des hommes est une dénonciation constante de l'utopie, toujours imaginée par cette dimension composite, hybride, qui fait ressortir la part de l'animalité en l'homme. A l'inverse, les animaux intelligents comme les Houynms ont des attitudes et des comportements humains. On retrouve chez Philostrate une scène qui est celle du réveil d'Hercule au pays des Pigmées qui a été vraisemblablement la source de Swift dans sa description du réveil de Gulliver dans le monde des Lilliputiens. [...]
[...] Il va là encore jouer comme voyage symétrique et inverse du 3e. Ce pays des Houyhnms est celui de beaux et vertueux chevaux qui gouvernent leur pays en maîtres raisonnables et tiennent sous leur dépendance les descendants ou les ancêtres d'une espèce humaine répugnante et dégénérée : les Yahoos qui présentent toutes les marques de la pire bestialité. Gulliver, malgré son apparence qui le rapproche des Yahoos, parvient à se lier avec un noble cheval dont il apprend la langue et avec qui il mène, la encore, de longues conversations. [...]
[...] Ces voyages permettent de développer à la fois l'aspect imaginatif et l'aspect critique, notamment sur le plan politique. Gulliver repart ensuite pour un 3e voyage sur l'île de Lindalino surplombée par l'île volante de Laputa qu'on peut rejoindre par une échelle de corde. Une fois monté, Gulliver découvre un monde étrange régit par des savants complètement fous (l'un d'eux cherche depuis des années à obtenir des rayons de soleils à partir de citrouilles). Les habitants sont donc totalement détachés des réalités matérielles. [...]
[...] Les deux géants Gargantua et Pantagruel ont laissé leur emprunte dans le récit de Swift. C'est à Rabelais que Swift emprunte l'idée des géants débonnaires. Par ailleurs, c'est à un épisode de Gargantua que Swift emprunte directement l'extinction de l'incendie du Palais impérial au pays des lilliputiens. Ainsi, se construit une série de références qui peuvent être caractéristiques de l'utopie. Enfin, emprunts à un autre auteur français : Cyrano de Bergerac (non le personnage de Rostand mais le véritable), qui a écrit un Voyage aux états de la lune et aux états du soleil. [...]
[...] On a donc des fonctionnements communs aux ouvrages de Cyrano et aux ouvrages de Swift. Chez Cyrano comme chez Swift, il y a une prééminance des animaux sur les hommes qui montre que nous avons affaire à deux auteurs assez fondamentalement pessimistes sur la nature humaine et les capacités de l'homme à s'améliorer. Ainsi, question des moyens que se donne l'utopie et qui vont permettre de déployer les différents éléments des l'imagination, et question des idées de l'utopie qui donnent à l'utopie sa véritable dimension subversive. [...]
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