Voyage au bout de la nuit, la fin des tropiques, Louis-Ferdinand Céline, Bardamu, désillusion africaine, lyrisme, récit réaliste, hypotypose, tourment des hommes, paysage africain
Ce passage peint la fin du tableau africain. Bardamu s'est réfugié en Afrique pour fuir la guerre, dans l'espoir de découvrir un lieu plus propice à son existence, rêveur d'une situation sociale et économique plus aisée. S'il a embarqué vers les colonies plein d'une illusion africaine nourrit par les clichés de la littérature, il a appris au fil de ses rencontres et de ses péripéties la vérité sauvage du continent noir.
Après la purification incendiaire de sa case effilochée, c'est en malade rongé par la fièvre que Bardamu se laisse conduire à travers la jungle par ses compagnons noirs. Il est d'abord accueilli par l'Espagnol de Rio del Rio et ses fourmis communistes, avant d'être conduit à San Tapeta, très belle ville vue de loin, mais pustuleuse et cuisante vue de l'intérieur. C'est avec un Ferdinand délirant, au seuil de la mort, que s'achève l'expérience africaine dans une évaporation olfactive.
[...] Anarchiste jusqu'au bout des ongles, Bardamu termine ironiquement dans un presbytère spécialement (comme un fait exprès) dressé à son attention. Rempli de tisanes (on imagine Ferdinand le ventre exagérément gonflé ce qui participe au comique de situation), il se retrouve coincé entre les êtres croasseurs et la longue croix dorée du curé dont monte un bruit de monnaie des profondeurs de sa soutane Le terme profondeurs permet une allusion à ce qu'il y a de plus caché sous la soutane, à savoir les parties génitales et les orifices, que Céline met en lien avec la monnaie du curé qui semble dès lors enveloppée d'une odeur pestilentielle. [...]
[...] Sans regrets, Ferdinand quitte l'Afrique dont il n'aura rien appris sinon à compter les puces. Il aura eu l'aperçu, plus visible encore, de ce qu'il avait déjà rencontré en Europe : misères, tromperies, larcins, discours asservissants, systèmes politiques hiérarchisés soi-disant pour le bien du peuple pauvre, qui meurt, se débat, et se vole lui-même. L'Afrique est un miroir grossissant de l'Europe : ce qui est caché en Occident (les odeurs notamment) apparaît tout en surface, plus cru. Ferdinand peut donc en finir, fermer les yeux et se laisser guider sur la barque de Charon, qui se transformera en galère. [...]
[...] Le je Ferdinand, n'existe plus. La personne qui dit je est le Ferdinand écrivant ses mémoires : je n'oserais pas affirmer plusieurs années après. Dans sa fièvre, Ferdinand est comme dilapidé, les maigres actions qu'il parvient à faire sont : regarder par la fenêtre, fermer les yeux ; au reste il est sujet passif, ballotté par l'Afrique comme par un destin absurde, hasardeux, dont il n'est pas le maître. Il parvient cependant à émettre une pensée : Je croyais bien que c'en était fini pensée mortuaire qui ne le préoccupe pas plus que ça. [...]
[...] Commentaire de texte Voyage au bout de la nuit Louis-Ferdinand Céline La fin des tropiques (p. 180-181) Situation du texte Ce passage peint la fin du tableau africain. Bardamu s'est réfugié en Afrique pour fuir la guerre, dans l'espoir de découvrir un lieu plus propice à son existence, rêveur d'une situation sociale et économique plus aisée. S'il a embarqué vers les colonies plein d'une illusion africaine nourrit par les clichés de la littérature, il a appris au fil de ses rencontres et de ses péripéties la vérité sauvage du continent noir. [...]
[...] Céline d'ailleurs, se plaignait de la lourdeur des hommes, jaloux de la légèreté, plus aristocratique. Ainsi tué puis sauvé par les colonies, dans ses nuées délires, Ferdinand cherche l'odeur africaine : il me devint de plus en plus difficile une nostalgie de ce qui déjà, meurt et disparaît, de ce qui l'a aidé à mûrir, comme s'il aurait aimé prendre une dernière bouffée de la vérité africaine. [...]
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