Céline, Voyage au bout de la nuit, Héroïsme, alter ego, anti-héros
Dans 'Voyage au bout de la nuit', Céline utilise son alter ego, Bardamu, pour critiquer l'absurdité de la Première Guerre mondiale à travers un style argotique distinctif. Bardamu, en tant qu'anti-héros lâche, défie les idées conventionnelles de l'héroïsme. Cette déconstruction de l'héroïsme se révèle par la représentation poignante de la guerre, invitant le lecteur à reconsidérer la bravoure et le sacrifice typiquement associés à la guerre.
[...] Ces précautions préalables permettent de limiter la portée de l'énoncé polémique. Celui-ci est encore marqué par une tournure orale puisque le sujet est répété : « elle » puis en fin de phrase « la guerre ». Lignes 6-7 : La dernière phrase du paragraphe pousse au bout ce raisonnement absurde : puisque la guerre a pour avantage de tuer des « sacrées ordures », Bardamu envisage d'aider « à trouver un obus » « encore trois ou quatre dans le régiment » : le sentiment patriotique lui est étranger, et il souhaite la mort de soldats de son camp, car ce sont de mauvaises personnes. [...]
[...] Ce lâche anti-héros apparaît pourtant paradoxalement plus raisonnable que les commandants d'armée qui perdent la vie sur le champ de bataille. Cet individu, en discordance totale avec la société de son temps et sa morale guerrière, affirme une singularité qui fait de lui un héros singulier, préférant fuir la guerre que d'entrer lui aussi dans cet absurde engrenage. [...]
[...] Lignes 26-27 : répétition de « même » dans l'imagination de la réaction de la caissière pour accentuer la caricature. Passage significatif d'un terme à l'autre de l'antithèse entre « refuserait » et « donnerait ». Ligne 27 : Aspect ironique de la phrase conclusive manifeste : « ça vaudrait la peine de vivre », comme si la survie à la guerre était la seule condition pour savourer une vie de triomphe - surtout constituée de gratifications dérisoires. Lignes 28-29 : retour brutal à la réalité : Bardamu s'éloigne doublement de l'héroïsme par sa fuite et par sa blessure qui ne peut suffire à faire de lui un martyr, comme l'indique la gradation : « un peu seulement, pas une blessure suffisante du tout, une écorchure ». [...]
[...] Ligne 2 : Réaction paradoxale : Bardamu se réjouit de la mort du maréchal des logis, satisfaction martelée par une redondance : « C'était une bonne nouvelle. » « Tant mieux ». Lignes 3 et 4 : Justification de cette réjouissance paradoxale par deux arguments : l'un est exprimé au discours direct, et qualifie Barousse de « charogne », insulte familière renforcée par l'adjectif « grande » et l'adverbe « bien » : puisque Barousse était une mauvaise personne, sa mort est une bonne nouvelle pour le régiment. [...]
[...] Lignes 23-24 : confusion dans le triomphe envisagé, marqué par l'ambivalence du référent du pronom indéfini, dans lequel Bardamu tantôt s'inclut, tantôt s'exclut : « On eux) nous couvrirait de décorations, de fleurs, on nous) passerait sous l'arc de triomphe. On nous) entrerait au restaurant, on eux) vous servirait sans payer, on nous) ne payerait plus rien, jamais de la vie ». Lignes 25-26 : ridiculisation du patriotisme par l'usage ironique du discours de victoire : « on est les héros [ . ] des défenseurs de la Patrie ». La valeur de ce nationalisme est dégradée par la réduction des « petits drapeaux français » servant à payer. [...]
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