Le Nez qui voque - Rejean Ducharme (1967) - Peut-on dire que Mille et Chateaugué sortent réellement de l'enfance au cours de ce récit ?

Thèmes abordés

Le Nez qui voque, Rejean Ducharme, enfance, roman, dramaturgie

Résumé du document

Publiée en 1967, Le Nez qui voque donne à voir l'histoire de deux adolescents qui se sont juré de ne pas quitter l'enfance pour éviter les dégradations induites par l'âge adulte.
Exploration ludique et grave des transformations du jeune âge et de celles du langage, le Nez qui voque pousse l'expérimentation du refus de l'âge adulte jusqu'à son paroxysme, en mettant en scène le projet de suicide que les adolescents forment pour éviter de vieillir. Pourtant, cette résolution ne résistera pas à la curiosité de Mille Milles pour les atours de l'âge adulte.

Extraits

[...] Le Nez qui voque - Rejean Ducharme (1967) - Peut-on dire que Mille et Chateaugué sortent réellement de l'enfance au cours de ce récit ? Publiée en 1967, Le Nez qui voque donne à voir l'histoire de deux adolescents qui se sont juré de ne pas quitter l'enfance pour éviter les dégradations induites par l'âge adulte. Exploration ludique et grave des transformations du jeune âge et de celles du langage, le Nez qui voque pousse l'expérimentation du refus de l'âge adulte jusqu'à son paroxysme, en mettant en scène le projet de suicide que les adolescents forment pour éviter de vieillir. [...]

[...] Par conséquent, la fissuration de l'amitié symbolisé par l'existence de Tate constitue une marque décisive de la fin de l'enfance dans Le nez qui voque. cet égard, on peut penser que la fin de Tate constitue la métaphore de l'émancipation des individus, et leur engagement dans leurs chemins individuels respectifs.) Cependant, la disparition de Tate et la mort de Chateaugué ne constituent pas une sortie progressive de l'enfance Chateaugué demeure dans l'enfance...et en meurt Pourtant, si la fin de Tate à proprement parler marque la disparition de l'enfance, ses conséquences ne constituent pas une sortie progressive de l'enfance, mais au contraire relativement brutale, en tout cas pour Chateaugué. [...]

[...] Ses mots, de même que le degré de tristesse qu'il éprouve à la mort de son amie le désigne non plus comme enfant mais comme jeune adulte irresponsable : "je m'en fiche" (page 269, Le Nez qui voque, 1967). Ici, l'utilisation d'un verbe pronominal renforce l'effet de circularité du personnage de Mille Milles : la mort de Chateaugué n'est plus qu'un complément d'objet direct - deux lettres ! - cerné par le pronom personnel ou le pronom réflexif. Tout se passe comme si son passage à l'âge adulte n'avait été que comportemental, se résumant à l'acceptation des sentiments, du sexe et du corps, mais sans évolution de son rapport aux responsabilités. [...]

[...] (C'est la raison pour laquelle, si le récit constitue effectivement la narration d'un voyage progressif vers l'âge adulte, celui-ci est déjà en grande partie entamé par les réflexions qui sont menées et qui aboutissent au départ de Mille Milles de sa ville natale.) L'émancipation de Mille Milles met fin à Tate, le personnage-enfant par excellence Une illustration symbolique de la disparition progressive de l'enfance au cours du récit pourrait constituer la fin du personnage dénommée Tate et formée par les deux amis. Tate en effet, qui représente une forme d'unanimisme de Mille Milles et Chateaugué, vacille lorsque Chateaugué commence à fréquenter Questa, la femme qui veille sur eux. Cette figure maternelle sépare progressivement les deux amis car elle encourage - malgré elle - la transformation de Mille Milles. [...]

[...] (De ce point de vue, non seulement la sortie de l'enfance n'est pas progressive pour Chateaugué, mais celle de Mille Milles est loin d'être achevée.) Ainsi, l'idée que le récit donnerait à voir une sortie progressive de l'enfance des deux personnages se vérifie en partie, notamment dans le rapport que Mille Milles entretient aux autres et particulièrement à Questa. Cependant, le suicide de Chateaugué du fait de son double refus de grandir et de rester enfant seule, de même que la réaction et le langage de Mille Milles montrent que les deux personnages restent caractérisés par l'enfance et l'irresponsabilité. A cet égard, on peut dire que l'écriture - a fortiori ludique comme elle l'est chez Ducharme - constitue un support du passage vers l'âge adulte en même temps qu'un maintien dans l'enfance. [...]