Dictionnaire philosophique, Torture - Voltaire - publié le 07/07/2008
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Commentaire composé entièrement rédigé de l'article de Voltaire intitulé <em>Torture</em>, tiré du Dictionnaire philosophique.
Sommaire
I) Le mouvement de l'article
A. Les Français comparés à d'autres peuples B. Du général au particulier C. De l'implicite à l'explicite
II) La dénonciation de la torture
A. Cruauté B. Absurdité et disproportion C. Archaïsme
III) Dérision et ironie : l'humour au service de la dénonciation
A. Ironie citationnelle B. Des contrastes choquants C. L'ironie et les non-dits
Conclusion
Texte analysé
Les Romains n'infligèrent jamais la torture qu'aux esclaves, mais les esclaves n'étaient pas comptés pour des hommes. Il n'y a pas d'apparence non plus qu'un conseiller de la Tournelle regarde comme un de ses semblables un homme qu'on lui amène hâve, pâle, défait, les yeux mornes, la barbe longue et sale, couvert de la vermine dont il a été rongé dans un cachot. Il se donne le plaisir de l'appliquer à la grande et à la petite torture, en présence d'un chirurgien qui lui tâte le pouls, jusqu'à ce qu'il soit en danger de mort, après quoi on recommence ; et comme dit très bien la comédie des Plaideurs : « Cela fait toujours passer une heure ou deux ». Le grave magistrat qui a acheté pour quelque argent le droit de faire ces expériences sur son prochain va conter à dîner à sa femme ce qui s'est passé le matin. La première fois, madame en a été révoltée ; à la seconde, elle y a pris goût, parce qu'après tout les femmes sont curieuses ; ensuite, la première chose qu'elle lui dit lorsqu'il rentre en robe chez lui : « Mon petit coeur, n'avez-vous fait donner aujourd'hui la question à personne ? » Les Français, qui passent, je ne sais pourquoi, pour un peuple fort humain, s'étonnent que les Anglais, qui ont eu l'inhumanité de nous prendre tout le Canada, aient renoncé au plaisir de donner la question. Lorsque le chevalier de La Barre, petit-fils d'un lieutenant général des armées, jeune homme de beaucoup d'esprit et d'une grande espérance, mais ayant toute l'étourderie d'une jeunesse effrénée, fut convaincu d'avoir chanté des chansons impies, et même d'avoir passé devant une procession de capucins sans avoir ôté son chapeau, les juges d'Abbeville, gens comparables aux sénateurs romains, ordonnèrent, non seulement qu'on lui arrachât la langue, qu'on lui coupât la main, et qu'on brûlât son corps à petit feu ; mais ils l'appliquèrent encore à la torture pour savoir combien de chansons il avait chantées, et combien de processions il avait vues passer, le chapeau sur la tête. Ce n'est pas dans le XIIIème ou dans le XIVème siècle que cette aventure est arrivée, c'est dans le XVIIIème. Les nations étrangères jugent de la France par les spectacles, par les romans, par les jolis vers, par les filles d'Opéra, qui ont les moeurs fort douces, par nos danseurs d'Opéra, qui ont de la grâce, par Mlle Clairon, qui déclame des vers à ravir. Elles ne savent pas qu'il n'y a point au fond de nation plus cruelle que la française.
A. Les Français comparés à d'autres peuples B. Du général au particulier C. De l'implicite à l'explicite
II) La dénonciation de la torture
A. Cruauté B. Absurdité et disproportion C. Archaïsme
III) Dérision et ironie : l'humour au service de la dénonciation
A. Ironie citationnelle B. Des contrastes choquants C. L'ironie et les non-dits
Conclusion
Texte analysé
Les Romains n'infligèrent jamais la torture qu'aux esclaves, mais les esclaves n'étaient pas comptés pour des hommes. Il n'y a pas d'apparence non plus qu'un conseiller de la Tournelle regarde comme un de ses semblables un homme qu'on lui amène hâve, pâle, défait, les yeux mornes, la barbe longue et sale, couvert de la vermine dont il a été rongé dans un cachot. Il se donne le plaisir de l'appliquer à la grande et à la petite torture, en présence d'un chirurgien qui lui tâte le pouls, jusqu'à ce qu'il soit en danger de mort, après quoi on recommence ; et comme dit très bien la comédie des Plaideurs : « Cela fait toujours passer une heure ou deux ». Le grave magistrat qui a acheté pour quelque argent le droit de faire ces expériences sur son prochain va conter à dîner à sa femme ce qui s'est passé le matin. La première fois, madame en a été révoltée ; à la seconde, elle y a pris goût, parce qu'après tout les femmes sont curieuses ; ensuite, la première chose qu'elle lui dit lorsqu'il rentre en robe chez lui : « Mon petit coeur, n'avez-vous fait donner aujourd'hui la question à personne ? » Les Français, qui passent, je ne sais pourquoi, pour un peuple fort humain, s'étonnent que les Anglais, qui ont eu l'inhumanité de nous prendre tout le Canada, aient renoncé au plaisir de donner la question. Lorsque le chevalier de La Barre, petit-fils d'un lieutenant général des armées, jeune homme de beaucoup d'esprit et d'une grande espérance, mais ayant toute l'étourderie d'une jeunesse effrénée, fut convaincu d'avoir chanté des chansons impies, et même d'avoir passé devant une procession de capucins sans avoir ôté son chapeau, les juges d'Abbeville, gens comparables aux sénateurs romains, ordonnèrent, non seulement qu'on lui arrachât la langue, qu'on lui coupât la main, et qu'on brûlât son corps à petit feu ; mais ils l'appliquèrent encore à la torture pour savoir combien de chansons il avait chantées, et combien de processions il avait vues passer, le chapeau sur la tête. Ce n'est pas dans le XIIIème ou dans le XIVème siècle que cette aventure est arrivée, c'est dans le XVIIIème. Les nations étrangères jugent de la France par les spectacles, par les romans, par les jolis vers, par les filles d'Opéra, qui ont les moeurs fort douces, par nos danseurs d'Opéra, qui ont de la grâce, par Mlle Clairon, qui déclame des vers à ravir. Elles ne savent pas qu'il n'y a point au fond de nation plus cruelle que la française.
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Extraits
[...] Voltaire exprime le point de vue nationaliste des Français, qui se sentent humiliés et blessés d'avoir été dépossédé du Canada. L'ironie est rendue sensible par le fait que les Français voient de la cruauté où il n'y en a pas (dans la conquête du Canada), mais ne distinguent pas la cruauté où elle est réellement - puisque pour eux, la question demeure un plaisir Dans cet article, l'ironie prend aussi d'autres formes. Ainsi, Voltaire joue sur des oppositions qui suscitent l'étonnement, puis la réflexion. [...]
[...] En effet, l'article passe du général au particulier. Tout d'abord Voltaire évoque un conseiller de la Tournelle L'article indéfini et le contexte montre que nous n'avons pas à faire à un conseiller précis. Puis, Voltaire évoque Le grave magistrat qui a acheté pour quelque argent le droit de faire ces expériences sur son prochain Comme précédemment, ce magistrat- là n'est pas un magistrat précis et identifié : il incarne un archétype. Dans le troisième paragraphe, par contre, Voltaire cible plus précisément sa critique : ce sont maintenant des juges d'Abbeville dont il est question, dans une affaire bien réelle (la torture et l'exécution du chevalier de la Barre). [...]
[...] Allusion à la possibilité d'achat d'un titre ou d'une charge. [...]
[...] Voltaire ne l'a pas dit, mais il l'a habilement suggéré, et c'est le lecteur qui tire ses conclusions tout seul. Examinons un autre exemple. Voltaire prête à la femme d'un magistrat cette phrase mémorable : Mon petit cœur, n'avez-vous fait donner aujourd'hui la question à personne ? Le contraste entre l'hypocoristique caressant petit cœur et la curiosité sadique que révèle cette question est très fort. Il s'agit, là encore, d'un jeu subtil sur le langage qui suscite la réflexion du lecteur. [...]
[...] Enfin, on s'intéressera à la manière dont Voltaire emploie, à des fins polémiques, toutes les ressources de son style sarcastique. On peut rendre compte du mouvement du texte de plusieurs manières. Ainsi, on peut distinguer dans le texte deux moments : d'abord, Voltaire compare les Français aux Romains (qui, comme eux, pratiquaient la torture) puis aux Anglais. Ces deux comparaisons lui permettent de jeter le blâme sur les Français : les Romains ne torturaient que leurs esclaves, alors que les Français torturent même des hommes libres. [...]
Lecture méthodique/Commentaire composé de l'article de Voltaire intitulé "Torture" et extrait du "Dictionnaire philosophique". Document de 1400 mots idéal pour réaliser une composition et progresser au cours de l'année ou pour les révisions liées au baccalauréat de français.