"Petite digression" est un conte philosophique écrit par Voltaire et paru en 1766 dans Le Philosophe ignorant, à une époque où l'auteur, installé à Ferney, mène un combat constant contre l'obscurantisme.
Il continue à défendre les principes des philosophes des Lumières et à prêcher la tolérance ce dont témoigne ce conte (...)
[...] Malheureusement, un de leurs professeurs prétendit avoir des notions claires sur le sens de la vue, il se fit écouter, il intrigua, il forma de enthousiasmes enfin on le reconnut pour le chef de la communauté. Il se mit à juger souverainement des couleurs, et tout fut perdu. Ce premier dictateur des Quinze-Vingts se forma d'abord un petit conseil, avec lequel il se rendit le maître de toutes les aumônes. Par ce moyen personne n'osa lui résister. Il décida que tous les habits des Quinze-Vingts étaient blancs: les aveugles le crurent; ils ne parlaient que de leurs habits blancs, quoi qu'il n'y en eût pas un seul de cette couleur. [...]
[...] Il n'y avait pas un seul habit rouge aux Quinze-Vingts. On se moqua d'eux plus que jamais: nouvelles plaintes de la part de la communauté. Le dictateur entra en fureur, les aveugles aussi; on se battit longtemps, et la concorde ne fut rétablie que lorsqu'il fut permis à tous les Quinze-vingts de suspendre leur jugement sur la couleur de leurs habits. Un sourd, en lisant cette petite histoire, avoua que les aveugles avaient eu tort de juger les couleurs, mais il resta ferme dans l'opinion qu'il n'appartient qu'aux sourds de juger de la musique. [...]
[...] CONCLUSION Ce bref récit allégorique, sous forme d'apologue philosophique, sert donc une fois de plus le combat des écrivains des Lumières en nous donnant une vision satirique des spéculations métaphysiques et des croyances religieuses, pour nous inviter à être plus tolérants. En dépit de la coloration sceptique que Voltaire donne à la chute du récit, la publication de ce conte nous montre qu'il ne faut pas baisser les bras. Les hommes ont tendance à s'aveugler et à refuser de voir leurs erreurs, alors qu'ils se permettent quand même de juger les autres. Il faut prêcher la tolérance, tout en restant vigilant: avant de critiquer son voisin, il faut s'assurer que nous-mêmes respectons ce qu'on dit. [...]
[...] Voltaire reprend les idées de Locke (philosophe anglais, 1632-1704, a écrit un Essai sur l'entendement humain, 1960) et considère que c'est à partir de l'expérience que se forment les idées et les connaissances. Il ne sert à rien à l'aveugle de spéculer sur la vue, de même qu'il est inutile pour l'homme de discuter de la métaphysique qui dépasse ses capacités. critique des croyances théologiques: - tout d'abord, elles entraînent la crédulité: les aveugles se laissent manipuler, tromper avec une facilité déconcertante, ce que vient souligner la ponctuation dans le texte ce qui insiste sur l'adhésion spontanée et naïve de la communauté victime de son orgueil (les aveugles aiment à penser qu'ils en savent plus que les autres sur certains points «mystérieux») - ensuite, elles sont source d'intolérance: la dispute sur la couleur des habits des QV cache la critique des opinions religieuses qui entraîne des querelles de toutes sortes. [...]
[...] Le bonheur est aussi décrit à la manière utopique de Rousseau: la phrase du texte «Ils vécurent paisibles et fortunés autant que des Quinze-Vingt peuvent l'être»fait penser à «ils vécurent libres, sains, bons, et heureux autant qu'ils pouvaient l'être par leur nature», de Rousseau dans son Discours sur l'Origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (1755) - la deuxième partie, en revanche, s'oppose à la première car elle décrit un monde de discorde: les nombreux passés simples,le rythme ternaire se fit écouter, il intrigua, il forma les phrases et les propositions plus courtes reflètent la rapidité du changement de situation et agitation destructrice qui règne à présent dans la communauté. morale implicite dans la dernière partie du texte, qui correspond à la chute de l'apologue récit allégorique: en apparence, le conte met en scène des aveugles et des sourds. Mais ce handicap physique est une métaphore qui permet à Voltaire d'évoquer certaines caractéristiques du comportement humain en général. La brièveté du récit, le schéma narratif, le monde simplifié, la morale implicite et le récit allégorique nous montrent que le texte est un apologue. [...]
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