Dès le deuxième paragraphe, Voltaire aborde la question de la religion dont le champ lexical court tout le long du passage avec les termes "anglicane", "gallicane" (11), "huguenote" (12), "baptiser" "Dieu" (15), "catholiques" (17), "convertis" (18), "Jésuites" (18) et "fonts" (29). Le Huron se voit vite demander quelle religion il a choisi en Angleterre. Il va de soi pour le bailli qu'il s'est forcément converti, il ne s'imagine pas un instant qu'il ait pu conserver sa croyance originelle. Il croit bon d'ajouter que son choix n'a pu se porter que sur les religions "anglicane", "gallicane" et "huguenote" (11/12) (...)
[...] Finalement, peu importe le nom d'une religion et qui la pratique, l'essentiel est pour lui d'avoir sa propre religion et de ne pas s'en écarter conformément à sa tribu qui ignore le mot inconstance (22). La voix de l'Ingénu est bien celle de Voltaire très favorable aux Anglais. Rappelons que pour avoir insulté le chevalier de Rohan, il a dû s'exiler trente mois en Angleterre où il a rencontré de grands intellectuels tels que Newton et Locke. Il y a été très impressionné par la plus grande liberté d'opinion dont il fait état ici. [...]
[...] Le pronom indéterminé tous montre le zèle de ces missionnaires dont l'objectif était de convertir tout un peuple à leur religion. Le fanatisme du culte : La triple répétition de l'expression nous le baptiserons (25,33) insiste vivement sur la volonté expresse de procéder à ce sacrement. Le futur qui court de la ligne 25 à la ligne 33 rend irrévocable cette décision qui prend la forme d'une cérémonie parfaitement connue d'avance. Rien n'est laissé à l'initiative du baptisé. D'ailleurs, ce baptême ne semble pas destiné à laver du péché originel l'ingénu comme le veut le premier des sept sacrements catholiques. [...]
[...] En condamnant l'intolérance et les pratiques religieuses et en nous proposant un modèle de mansuétude et de liberté sous les traits de son protagoniste, il souhaite amener les hommes vers une acceptation mutuelle fraternelle. Nous pouvons rapprocher ce texte de sa Prière à Dieu (1763) dans laquelle il montre que les rites religieux sont sources de conflits entre les hommes pour mieux appeler à la liberté dans la pratique de la religion de son choix. Contrairement à Rousseau pour qui seul l'homme sauvage est bon, Voltaire croit que l'homme peut développer sa bonté naturelle grâce à une bonne éducation et une société respectueuse de tous. [...]
[...] C'est cette liberté qui étonne Mlle de Kerkabon et Mlle de Saint-Yves qui ne peuvent se tenir de regarder par le trou d'une large serrure (42). Chez cette dernière, la curiosité se double d'un plaisir trouble qu'elle ne peut ou ne veut s'expliquer en apprenant au premier paragraphe que l'ingénu n'a eu qu'une seule maîtresse, décédée depuis lors comme si cet amour unique et fidèle correspondait mieux à sa morale chrétienne. Conclusion : Ce texte fait bien état du combat mené au 18ème Siècle par les philosophes des Lumières. [...]
[...] Voltaire utilise de façon répétée le pronom personnel nous mis pour les fanatiques religieux qui décident à sa place du sort du Huron. Rappelons que Voltaire est déiste et qu'en cela, il condamne les rites et les pratiques cultuels. Cette décision est prise autoritairement par Mlle Kerkabon qui veut absolument être sa marraine. Elle s'octroie donc unilatéralement la responsabilité de veiller sur lui tout au long de sa vie. Cette résolution devient unanime comme l'attestent les adjectifs indéfinis toute (30,31) et tous (32). [...]
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