Le clergé français condamna l'Essai sur les moeurs (1756) et le Dictionnaire philosophique (1764) de Voltaire. Pour répliquer à cette condamnation, Voltaire, en parodiant un mandement ecclésiastique français (c'est-à-dire l'énumération des causes d'une censure religieuse), recomposa en 1765 l'édit réellement promulgué en Turquie en 1757 contre l'imprimerie, introduite dans ce pays trente ans auparavant par Said Effendi, ancien ambassadeur turc en France.
[...] L'excès caricatural, sensible dans l'expression hyperbolique De l'horrible danger introduit cette dimension ironique. Voltaire est en outre passé d'une interdiction de l'imprimerie à celle de la lecture : il caricature de la sorte la position turque. III : Voltaire exprime ainsi l'idée selon laquelle la lecture est un péril (un danger pour le clergé : il dénonce par ce biais l'obscurantisme religieux. De plus, Voltaire fustige le fonctionnement des religions : il montre que le clergé essaie de faire peur aux lecteurs, de persuader et non de convaincre, ce qu'il pointe du doigt avec l'adjectif horrible Nous Joussouf Chéribi, par la grâce de Dieu mouphti du Saint-Empire ottoman, lumière des lumières, élu entre les élus, à tous les fidèles qui ces présentes verront, sottise et bénédiction. [...]
[...] L'absurdité comique du raisonnement (comme dans De l'esclavage des nègres de Montesquieu) C. La caricature par l'excès (comme dans le Dialogue entre un mourant et un homme qui se porte bien de Voltaire dans le Traité sur la tolérance) + la gradation dans l'absurdité (de la défense de lire à l'obligation du non-sens) Transition : cette structure ironique est celle d'un raisonnement par l'absurde : montrer l'ineptie d'une position (blâme de l'imprimerie et de la lecture) pour montrer la validité de la position contraire (éloge de l'imprimerie et de la lecture). [...]
[...] Donné dans notre palais de la stupidité, le 7 de la lune de Muharem, l'an 1143 de l'hégire15. NOTES EXPLICATIVES : 1. Joussouf Chéribi : nom inventé par Voltaire 2. mouphti : religieux musulman, qui remplit aussi des fonctions judiciaires et civiles Nous JoussoufChéribi, par la grâce de Dieu mouphti du Saint-Empire ottoman, lumière des lumières : comprendre Nous Joussouf Chéribi, qui sommes mouphti du Saint-Empire ottoman par la grâce de Dieu, nous qui sommes la lumière des lumières 3. [...]
[...] L'invention et l'usage de l'imprimerie sont qualifiés de nocifs (N.B. : le protestantisme était né en partie grâce à la traduction et la diffusion de la Bible : les fidèles s'étaient offusqués des contradictions entre le texte et l'attitude des prélats de l'église catholique ; refuser l'imprimerie est donc surprenant mais néanmoins un fait historique en Turquie et compréhensible du point de vue du clergé de la religion dominante qui veut ainsi garder une domination sur le peuple ignorant) ; mais comme le locuteur est discrédité, c'est donc l'inverse que Voltaire nous invite à penser. [...]
[...] I Le premier argument du locuteur pour interdire l'imprimerie consiste à dénoncer le danger politique de l'imprimerie. Mais les raisons avancées contre l'imprimerie sont en fait à la gloire de celle-ci : elle est présentée par le locuteur comme nocive, puisque selon lui l'imprimerie nuit à une valeur l'ignorance qui semble être positive d'un point de vue politique pour Joussouf Chéribi (elle est la gardienne et la sauvegarde de son pays) ; cependant, la périphrase initiale employée par le locuteur pour désigner l'imprimerie cette facilité de communiquer ses pensées se révèle être élogieuse du point de vue des Lumières et le motif de l'irritation du religieux [elle] tend évidemment à dissiper l'ignorance est en réalité un argument en faveur de l'imprimerie pour les philosophes des Lumières. [...]
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