C'est en 1752, au cours d'un souper philosophique donné par le souverain éclairé Frédéric II, que l'idée d'une encyclopédie de poche serait venue à Voltaire (1694-1778). Le Dictionnaire philosophique (1764) dont le titre originaire était La Raison par alphabet, apparaît au philosophe des Lumières, alors désireux de véhiculer une pensée sous les auspices de la raison, l'occasion d'une dénonciation politique et religieuse, sous l'apparence d'une compilation plate et objective d'un savoir et portant le sobre nom de "Dictionnaire". Les ressorts de ce genre n'avaient déjà pas échappé aux rédacteurs de l'Encyclopédie (1751), Diderot et D'Alembert. Ils y avaient notamment pris parti contre l'inquisition, l'esclavage et toute forme de traitements bafouant les droits naturels de l'Être humain. Autant de causes que l'auteur du Traité sur la Tolérance, ne dédaignera pas de défendre au fil de ses publications. L'article "Torture", figurant au sein de son dictionnaire philosophique est l'occasion d'une définition de ce terme et d'un subtil exposé de l'idéologie voltairienne. La forme de ce texte, d'une apparente objectivité dévoile une argumentation séduisante, mais il faut le dire, fort partiale. L'irrévérencieux Voltaire qui a lui-même été embastillé et contraint à l'exil suite à ses écrits, nous livre ici une satire enjouée du monde judiciaire. Dès lors, par quels procédés la définition philosophique de la torture, permet-elle à Voltaire d'en faire une arme idéologique ? C'est d'une part, par un usage subtil et raffiné de la langue qu'il parvient à insinuer sa critique, mais l'on observe également que c'est à l'aide d'une imagerie saisissante qu'il parvient à donner corps à cette critique.
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Conscient à l'époque que toute production littéraire peu conforme aux souhaits du souverain engendrait l'émission d'une lettre de cachet, Voltaire ne se permet pas de faire une critique explicite du régime, qu'il estime coupable de recourir à une pratique archaïque et inhumaine : la torture. Toutefois, cette argumentation de prime abord implicite se trouve renforcée par la structure mise en place par l'auteur (...)
[...] Un sadisme que va même partager la femme du magistrat. Voltaire dénonce cette escalade dans l'horreur et feint d'y trouver pour simple explication, la nature humaine: «parce qu'après tout les femmes sont curieuses». La torture est un sujet mondain conter à dîner à sa femme ce qui s'est passé ce matin») et Voltaire souligne avec ironie mordante que si l'on peut être choqué de prime abord par cette pratique, comme toute chose, on y prend goût («elle y prit goût»). [...]
[...] Toutefois il ne s'agit là que d'une manière de mieux convaincre de lecteur. Ainsi, entretient-il un effacement de sa personne tout au long de l'extrait, afin de doter sa définition d'une apparente objectivité. On ne peut que constater l'absence de pronom personnel aux premières personnes du singulier et du pluriel et la prééminence de formule sentencieuses, générales Romains n'infligèrent jamais . et impersonnelles n'y a pas d'apparence . L'auteur n'expose ni ne rejette explicitement de thèses, il prétend se contenter d'un catalogue historico-intellectuel, évoquant tantôt les civilisations antiques, tantôt les grands auteurs classiques comme dit très bien la comédie des Plaideurs» faisant référence à Jean Racine). [...]
[...] «Cela fait toujours passer une heure ou deux». Ainsi, Voltaire décrédibilise la justice, et met en exergue l'injustice des procédés auxquelles elle recours. Ainsi, Voltaire livre un vibrant plaidoyer contre les traitements dégradants et inhumains, visant en première ligne l'indifférence mais surtout le sadisme du système judiciaire de l'Ancien Régime. Il décrit banalisation de la torture pour mieux son absurdité, et en décrit son archaïsme pour mieux faire valoir la nécessité urgente de s'en débarrasser. Ce plaidoyer reposant pourtant sur une subtile opposition entre la forme et le fond, réussit avec brio à faire resplendir les idéaux des Lumières. [...]
[...] Et l'on observe aisément ici, que si Voltaire ne révèle pas explicitement son idéologie, son esprit critique n'en est pas moins grinçant. Le procédé principal pour instituer une distanciation entre l'énoncé d'apparence objective et la réalité qu'il cache est donc l'ironie. Une ironie qui se manifeste ici par des euphémismes obligeant le lecteur à se distancier de l'écrit de l'auteur pour mieux en apprécier la portée. En effet, Voltaire créer volontairement un décalage entre sa formulation et la réalité qu'elle exprime afin de rendre aberrant son propos. [...]
[...] Autant de causes que l'auteur du Traité sur la Tolérance, ne dédaignera pas de défendre au fil de ses publications. L'article «Torture», figurant au sein de son dictionnaire philosophique est l'occasion d'une définition de ce terme et d'un subtil exposé de l'idéologie voltairienne. La forme de ce texte, d'une apparente objectivité dévoile une argumentation séduisante, mais il faut le dire, fort partiale. L'irrévérencieux Voltaire qui a lui-même été embastillé et contraint à l'exil suite à ses écrits, nous livre ici une satire enjouée du monde judiciaire. [...]
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