En 1764, Voltaire publie la première version du Dictionnaire philosophique qui se veut une somme de connaissances, dans la veine des grandes encyclopédies du XVIIIè siècle. C'est surtout une arme dans le combat entre le camp dévot et le camp des philosophes. C'est aussi une oeuvre où Voltaire donne libre cours à la provocation et à l'ironie, notamment en jouant avec les attentes du lecteur, puisqu'il ne lui donne jamais ce qu'il attend. Son dictionnaire est loin d'une liste de définitions, mais chaque article constitue une sorte de petit essai dans lequel Voltaire défend une thèse, et invite le lecteur à réfléchir par lui-même en sortant des définitions traditionnelles. De plus, Voltaire s'inscrit en faux contre le mode d'apprentissage impliqué par le dictionnaire classique : le Dictionnaire philosophique est suggestif, il implique la participation active du lecteur.
Notre article "BEAU, BEAUTE" constitue l'exemple parfait de cette subversion du dictionnaire : on s'attendrait à une réflexion sur la philosophie de l'esthétisme, chère aux Lumières, mais Voltaire joue à déstabiliser son lecteur en rompant avec tous les codes du dictionnaire. On peut ajouter que nous étudions ici le texte intégral, et que l'article est par conséquent relativement court, répondant à la volonté de concision de Voltaire. Nous verrons également que cet article constitue un plaidoyer pour l'ouverture d'esprit, la notion de relativité, et la tolérance chère à Voltaire.
Il se compose de deux mouvements : dans un premier temps Voltaire propose à son lecteur de demander la définition de la beauté - que le lecteur s'attendait à trouver dans cet article - à divers témoins. Puis, il continue par un exemple où il se met lui-même en scène, et lui permettant d'illustrer sa thèse, à savoir l'idée de la relativité de la notion de beau. Cette division correspond d'ailleurs à deux versions de la notion de beauté : le beau physique pour le premier mouvement, et le beau artistique pour le second (...)
[...] dit- il, le to kalon n'est pas le même pour les Anglais et pour les Français Il conclut, après bien des réflexions, que le beau est souvent très relatif, comme ce qui est décent au Japon est indécent à Rome, et ce qui est de mode à Paris ne l'est pas à Pékin; et il s'épargna la peine de composer un long traité sur le beau. Voltaire, Dictionnaire philosophique En 1764, Voltaire publie la première version du Dictionnaire philosophique qui se veut une somme de connaissances, dans la veine des grandes encyclopédies du XVIIIè siècle. C'est surtout une arme dans le combat entre le camp dévot et le camp des philosophes. C'est aussi une œuvre où Voltaire donne libre cours à la provocation et à l'ironie, notamment en jouant avec les attentes du lecteur, puisqu'il ne lui donne jamais ce qu'il attend. [...]
[...] Il s'agit également d'une allusion à la philosophie de Platon et à sa théorie d'un beau absolu et divin, que Voltaire va s'évertuer à démentir dans son article. On remarquera également la gradation la beauté, le grand beau, le to kalon telle une envolée lyrique, qui crée un contraste comique avec le personnage que Voltaire propose d'interroger: un crapaud Que le crapaud, qui apparaît comme un symbole de laideur puisse servir à illustrer un article sur la beauté, et que cet animal soit évidemment incapable de proposer une quelconque définition, participe de la provocation de Voltaire, qui s'amuse de la surprise qu'il crée chez le lecteur. [...]
[...] Il oppose la philosophie spéculative, obscure pour le commun des mortels, à une philosophie pratique, faite de bon sens. La conclusion de sa démonstration est qu'on ne saurait proposer une définition universelle de la beauté, puisqu'elle est toute relative, et qu'elle dépend du contexte socio-culturel: une fois de plus, Voltaire oeuvre pour la tolérance, l'ouverture vers d'autres univers que celui de l'occident. Cette notion de beauté étant subjective, cela rend illusoire toute universalité du beau, et par conséquent toute définition, ce qui soulève un paradoxe: quelle est donc la légitimité d'un article consacré au beau dans un dictionnaire? [...]
[...] De plus, Voltaire s'inscrit en faux contre le mode d'apprentissage impliqué par le dictionnaire classique : le Dictionnaire Philosophique est suggestif, il implique la participation active du lecteur. Notre article BEAU, BEAUTE constitue l'exemple parfait de cette subversion du dictionnaire : on s'attendrait à une réflexion sur la philosophie de l'esthétisme, chère aux Lumières, mais Voltaire joue à déstabiliser son lecteur en rompant avec tous les codes du dictionnaire. On peut ajouter que nous étudions ici le texte intégral, et que l'article est par conséquent relativement court, répondant à la volonté de concision de Voltaire. [...]
[...] BEAU, BEAUTE Demandez à un crapaud ce que c'est que la beauté, le grand beau, le to kalon. Il vous répondra que c'est sa crapaude avec deux gros yeux ronds sortant de sa petite tête, une gueule large et plate, un ventre jaune, un dos brun. Interrogez un nègre de Guinée; le beau est pour lui une peau noire, huileuse, des yeux enfoncés, un nez épaté. Interrogez le diable; il vous dira que le beau est une paire de cornes, quatre griffes, et une queue. [...]
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