(...) Ce passage traduit une des réalités de l'époque : les naufrages étaient fréquents, et ils sont un élément incontournable : un passager ne peut que subir la tempête, et il ne peut pas lutter contre. C'est donc un moyen d'intéresser le lecteur, car il s'agit d'un élément fréquent dans les romans épiques de l'époque. Ce passage fait naître chez le lecteur une émotion, ce qui permet de lui faire capter plus facilement la leçon finale. Mais l'objectif n'est pas de faire une simple parodie d'une histoire sentimentale (comme par exemple de Paul et Virginie, un roman contemporain de l'époque, où, alors que les deux amoureux d'enfance allaient enfin pouvoir se retrouver après une longue séparation, le bateau de Virginie se fracasse dans une tempête, et Paul ne peut que pleurer la perte de son amour perdu). Le but de cet épisode est aussi de choquer le lecteur et d'attirer sa curiosité en même temps. Il sera alors d'autant plus attentif à la leçon de l'épisode, car il aura été touché au plus vif.
(...) Le spectacle est aussi total car l'ouïe et la vue du lecteur sont aussi sollicités par le vacarme de la tempête et la vue du naufrage. Ceci est renforcé par un champ lexical de la vue ("à la vue du matelot", "sans daigner seulement le regarder", "Candide approche, voit son bienfaiteur qui reparaît" ...). Il faut aussi remarquer la structure des phrases et le jeu des temps qui sont particuliers. Il n'y a aucun connecteur logique superflu : par exemple, à la ligne 7, se trouve le seul "mais" du texte, qui est une opposition à valeur philosophique. Le rythme des phrases est aussi très particulier : les phrases sont toutes très longues, surtout vers la fin de l'extrait. On peut alors faire une analogie entre le mouvement des phrases et le mouvement du roulis, qui ballote les protagonistes (...)
[...] Ceci prouve la fragilité des destinées humaines, et condamne l'optimisme béat, qui est une perception fausse de la réalité des choses. La réaction des deux autres protagonistes est aussi inadaptée à la crise. La vaine parole est en effet totalement inefficace. De plus, en cherchant à duper l'homme, l'imposture est dangereuse car elle l'adoucit et les empêche de les faire réagir correctement. Pangloss empêche ainsi la recherche d'une solution adaptée à la crise par la parole. C'est de fait une réelle compromission avec le mal. [...]
[...] Les actions se déroulent alors en cascades. Celles-ci sont soutenues par l'abondance des verbes : on assiste à une omniprésence du présent auquel s'ajoutent quelques plus-que-parfaits. On est donc en présence d'un récit traditionnel construit entre l'opposition de l'imparfait et du passé simple (ou du présent, tous deux signes de l'action) L'enchaînement haletant de l'action Voltaire utilise une multitude de verbes d'action, sans lien syntaxique entre eux. C'est ce qu'on appelle la parataxe, qui est normalement le signe du discours oral. [...]
[...] En effet, les situations d'exception sont révélatrices des personnalités profondes. On peut alors en déduire le tableau de personnalités suivant : Le récit met en relation ces 4 pôles de la nature humaine. Le premier à être cité est l'anabaptiste, qui est un personnage vertueux, généreux, altruiste et qui fait preuve de dévouement. Le deuxième personnage à apparaître le matelot qui correspond à la part noire de l'humanité : il est violent, égoïste et sans pitié. Ceci se traduit par l'utilisation des sons t p et r qui sont des sons gutturaux traduisant la violence. [...]
[...] Il sera alors d'autant plus attentif à la leçon de l'épisode, car il aura été touché au plus vif L'efficacité narrative Cette scène plait au lecteur du fait de son efficacité narrative. La technique narrative est en effet très soignée, car elle reprend un drame avec toutes ses étapes. La séquence narrative est la suivante : L.1 4 (de La moitié des passagers à le vaisseau entrouvert : Voltaire décrit le tableau quasi épique du bateau dans la tempête. L.4 13 (de Travaillait qui pouvait à cet anabaptiste s'y noyât : Les hommes luttent contre la tempête. Les personnages sont présentés en action. [...]
[...] L'anabaptiste aidait un peu à la manœuvre ; il était sur le tillac ; un matelot furieux le frappe rudement et l'étend sur les planches ; mais du coup qu'il lui donna il eut lui-même une si violente secousse qu'il tomba hors du vaisseau la tête la première. Il restait suspendu et accroché à une partie de mât rompue. Le bon Jacques court à son secours, l'aide à remonter, et de l'effort qu'il fit il est précipité dans la mer à la vue du matelot, qui le laissa périr, sans daigner seulement le regarder. [...]
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