Ce texte, extrait de Candide de Voltaire et qui ouvre le roman, décrit la société du château de Thunder-ten-tronckh où naît Candide, le héros. Elle se présente comme un « paradis terrestre », qui servira de référence tout au long du récit. Plus tard, le jeune homme s'affranchira de cet univers qu'au début il juge parfait. En attendant, il accepte sans broncher l'ordre établi, représenté politiquement par le baron et idéologiquement par Pangloss. Des failles cependant apparaissent dans ce monde : elles rendent possible l'évolution du héros et inaugurent le combat que Voltaire entreprend contre les impostures du pouvoir nobiliaire et contre le dogmatisme intellectuel, incarné par la philosophie optimiste (...)
[...] Ainsi, en accolant au terme noble de baron le nom ridicule de Thunder-ten-tronckh Voltaire enlève aussitôt toute dignité à cette lignée. Le débat mesquin autour de la bâtardise de Candide et le portrait de la baronne vont dans le même sens. Voltaire en outre intervient directement dans le récit. La courte incise je crois et l'identité du personnage définie par un groupe domestiques on introduisent un doute sur la réalité décrite. De cette façon, l'auteur nous invite à prendre une distance critique et à dépasser les apparences pour les remettre en question. [...]
[...] La noblesse du baron n'existe en fait que dans son esprit. L'illusion est entretenue par les flatteries de ses valets qui l'appelaient tous Monseigneur et qui riaient quand il faisait des contes Monseigneur est en principe une appellation réservée aux princes, aux ducs, et aux gouverneurs des provinces. L'illusion apparaît aussi dans une série de phrases parallèles traduisant le passage de la vérité au mensonge : Tous les chiens de ses basses-cours composaient une meute dans le besoin ; ses palefreniers étaient ses piqueurs ; le vicaire du village était son grand aumônier Les palefreniers sont des valets qui soignent les chevaux. [...]
[...] Les anciens domestiques de la maison soupçonnaient qu'il était fils de la sœur de monsieur le baron et d'un bon et honnête gentilhomme du voisinage, que cette demoiselle ne voulut jamais épouser parce qu'il n'avait pu prouver que soixante et onze quartiers, et que le reste de son arbre généalogique avait été perdu par l'injure du temps. Monsieur le baron était un des plus puissants seigneurs de la Westphalie, car son château avait une porte et des fenêtres. Sa grande salle même était ornée d'une tapisserie. Tous les chiens de ses basses-cours composaient une meute dans le besoin ; ses palefreniers étaient ses piqueurs ; le vicaire du village était son grand aumônier. [...]
[...] Il s'attaque en l'occurrence aux généalogies dont les nobles aimaient à s'enorgueillir. Ainsi Candide est présenté comme un bâtard, parce que son père n'a pu prouver que soixante et onze quartiers de noblesse (alors que nous apprendrons plus tard dans le récit que les Thunder-ten-troncks en ont soixante-douze). La démesure du nombre et l'accumulation dans la même phrase de quatre propositions subordonnées (hypotaxe) dénoncent la pesanteur et la sotte vanité des préjugés aristocratiques. Voltaire fait par ailleurs de la noblesse du baron et de la baronne un simple titre qui n'est fondé sur aucune grandeur réelle. [...]
[...] La formule : Il y avait rappelle le début des contes de fée Il était une fois Nous entrons dans un château décors par excellence des rêves de bonheur et des aventures extraordinaires. Tout y est excessif. L'usage fréquent du superlatif les mœurs les plus douces l'esprit le plus simple le plus beau des châteaux le plus grand baron implique un univers de perfection qui échappe à nos lois habituelles. Certaines expressions comme injure du temps imitent l'outrance propre au genre. [...]
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