[...]
- Après l'introduction de Mélibée, Virgile oppose quatrain après quatrain les chants des deux bergers. D'un quatrain à l'autre, les phénomènes d'échos sur le fond comme sur la forme témoignent de la compétition entre les deux bergers :
. ainsi les deux premiers quatrains par exemple, sont tous les deux structurés par une principale suivie d'une subordonnée hypothétique ("si qua tui...", "si mihi...") et aux trois comparatifs "dulcior... candidior... formosior..." (v.37-38) de Corydon répondent à la même place, dans des vers symétriques, les trois comparatifs "amarior... horridior... vilior..." (v.41-42) de Thrysis. De même, dans le premier vers de chaque quatrain, à l'élément naturel et à la référence géographique "thymo (...) Hyblae" (le thym de l'Hybla, v.37) correspondent ceux des "Sardoniis (...) herbis" (les herbes sardes, v.41). Le "tibi" du 4ème pied du v.41 fait écho au "mihi" du 4ème pied du v.37, le "si mihi" du v.43 au "si qua tui" du v.40 et les "pasti (...) juvenci" du v.44 correspondent directement aux "pasti (...) tauri" du v.39 (à la même place dans le vers concerné).
. De même, les vers 53 à 60 poursuivent ces jeux poétiques d'échos : Corydon peint d'abord l'aspect riant de la campagne à l'automne ; mais le départ du bel Alexis suffirait pour que cette nature féconde se desséchât tout à coup. Thyrsis décrit ensuite à l'inverse la sécheresse de l'été, que l'arrivée de Phyllis suffirait pour faire cesser. Corydon part donc de l'aspect riant de la nature pour arriver à la désolation, Thyrsis suit le chemin inverse.
. Les deux derniers quatrains de Corydon et de Thyrsis reprennent également de manière très nette la même structure : à l'accumulation d'arbres dans le premier quatrain et au superlatif "gratissima" après la coupe penthémimère du v.61 répondent l'accumulation du deuxième quatrain et le superlatif "pulcherrima" après la coupe penthémimère du v.65.
- La compétition poétique passe le procédé du renchérissement d'un quatrain à l'autre :
. ainsi, le premier quatrain exprime l'impatience de Corydon de recevoir la visite nocturne de Galatée, tandis que dans le suivant, qui débute significativement par un vers 41 holodactylique, Thyrsis, plus impatient encore, trouve le jour interminable, "longior anno" (v.43), et bouscule son troupeau vers l'étable pour abréger l'attente au lieu d'attendre comme Corydon qu'il soit repu (...)
[...] C'est d'abord le thème de l'amour qui est abordé et il apparaît ici comme une convention littéraire, comme un prétexte aux jeux poétiques et aux surenchères. Cf. l'apostrophe amoureuse à Galatée du vers 37 au vers 43 : Corydon choisit comme amante imaginaire cette Néréide, nymphe marine fille de Nérée et de Doris, qui fut courtisée sans succès par le cyclope Polyphème. Sans la nommer explicitement, Thyrsis répète l'apostrophe à cette nymphe : tibi (v.41). Virgile reprend ici un personnage évoqué par Théocrite dans les Idylles VI et XI. [...]
[...] Corydon ne parle que du troupeau, Thyrsis de lui-même, avec de surcroît le pluriel emphatique : curamus B. Le ton plus prosaïque de Thyrsis face à l'élégance des vers de Corydon Le ton est en outre plus rude dans les répliques de Thyrsis : les sonorités des vers 41-42 (cf. l'allitération en sont plus âpres et désagréables que celles du premier quatrain de Corydon. Dans son deuxième quatrain, Corydon demande aux sources, à l'herbe tendre et à l'ombre des arbousiers de combattre pour son troupeau l'influence de la chaleur qui approche. [...]
[...] Tout le bocage reverdira, et Jupiter, à profusion, descendra en averse fécondante. Le peuplier est l'arbre préféré d'Alcide2 ; la vigne, celui d'Iacchus3 ; le myrte, celui de la belle Vénus ; le laurier appartient à Phébus ; Phyllis aime les coudriers4 ; tant que Phyllis les aimera, ni le myrte, ni le laurier de Phébus5 ne l'emportera sur les coudriers Le frêne est le plus bel arbre des bois ; le pin celui des jardins ; le peuplier, celui des fleuves ; le sapin, celui des montagnes ; mais si tu revenais plus souvent me voir, beau Lycidas, tu l'emporterais sur le frêne des bois, sur le pin des jardins. [...]
[...] Après le préambule de Mélibée (v.1-20) et des quatrains dévolus à la poésie (v.21-28) et à la religion (v.29-36), Corydon et Thrysis se tournent vers l'amour et la nature (v.37-68). Problématique : en opposant ces deux bergers-poètes et en donnant l'ascendant à l'un sur l'autre, quelle vision Virgile exprime-t-il sur l'amour et la nature ? I. UN CONCOURS DE POÉSIE PASTORALE SUR L'AMOUR ET LA NATURE 6 A. Un chant amébée qui met en scène une joute poétique L'expression grecque amoibaios aoidè chant amébée désigne un chant alterné dans lequel deux chanteurs se donnent la réplique, couplet par couplet, dans un jeu subtil de rappels et de surenchères. [...]
[...] Virgile met donc en scène la rivalité poétique entre deux bergers sur un thème amoureux commun ; c'est l'occasion de créer un contraste entre deux styles différents, et ainsi deux visions différentes. II. DEUX CHANTS EN OPPOSITION A. Un contraste entre l'égocentrisme de Thyrsis et l'enthousiasme et l'ouverture aux autres de Corydon Dans les vers 37 et 38, Corydon fait un portrait élogieux de Galatée, avec l'accumulation de trois comparatifs dulcior candidior formosior v.37-38) qui célèbre la supériorité de Galatée sur les éléments naturels en insistant sur la pureté et la douceur de Galatée : le nom de Galatée signifie déjà à la peau blanche comme le lait et Virgile accentue ce trait en soulignant qu'elle est candidior cycnis (plus blanche que les cygnes) hedera formosior alba (plus belle que le lierre éclatant ou pâle), le vers commençant et terminant par des mots exprimant la blancheur : candidior ( ) alba Dans les vers 39 et 40, Virgile prête à Corydon l'expression d'une requête amoureuse pressante. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture