Commentaire de texte : Le vieux de Maupassant (contes du jour et de la nuit)
« A six heures quand on rentra, le père respirait encore. Son gendre à la fin s'effraya.
- Qué qu' tu f'rais, à c'te heure, té…..
jusqu'à
Et le mari plus résigné répondit :
- Ca n'serait pas à refaire tous les jours. »
[...] Le levier le plus important du comique repose cependant probablement sur la situation. Lorsque les invités arrivent pour la veillée funèbre, le couple se met à pleurer, non pas à cause de la souffrance causée par la mort imminente du père, mais à cause de l'embarras de les voir débarquer alors qu'il n'est même pas encore décédé. Comme nous l'évoquions plus haut, l'embarras social prend le pas sur le deuil, ce qui mène à un comique de situation. Il en va de même lorsque les invités engloutissent avec joie la nourriture alors que le vieux agonise dans la pièce d'à côté : le décalage crée le comique. [...]
[...] Le ton dominant dans cet extrait est donc l'embarras, qu'il soit social ou administratif, ce qui est inhabituel puisqu'il s'agit du récit d'une agonie, et crée une sorte de détachement par rapport au tragique de la situation. Ce détachement est également accentué par un autre procédé : le comique, qui achève de désacraliser la situation. Le premier élément que l'on relève est le langage. Il s'agit en effet d'un langage paysan, presque caricatural et qui apparait sans nul doute comme comique. La conjonction "qué" régulièrement utilisée par Maitre Chicot introduit de plus une certaine forme de comique de répétition. [...]
[...] Le texte que nous allons étudier est extrait d'une nouvelle de Guy de Maupassant, Le Vieux. Publiée en 1885 dans le recueil Les Contes du Jour et de la Nuit, elle présente l'embarras d'une famille de paysans face à l'agonie sans fin du père. La principale source de leur maux est la loi interdisant d'enterrer un corps moins de 24 heures après le décès ; or l'enterrement est prévu le samedi, et le vieux ne veut pas mourir. Le mélange d'une situation très sérieuse et d'une narration et d'effets par moments comiques provoque une désacralisation, une banalisation de la mort. [...]
[...] Ils ne sont pas seulement nombreux, mais rythment le récit, accentuant le caractère interminable de l'agonie du vieux, mais aussi exacerbant la tension chez les Chicot, et bien sûr le lecteur. En plus des indicateurs temporels, le champ lexical de la durée est d'ailleurs largement employé par Maupassant, avec des mots comme "durer", "fini", "tous les jours". L'accent est donc mis sur la prolongation dans le temps. Ce procédé à lui seul n'est pas forcément révélateur d'une banalisation de la mort. Néanmoins, il est associé à une emphase sur le côté pratique. Les sentiments des Chicot ne sont pas ceux que l'on pourrait attendre de personne en (presque) deuil. [...]
[...] Le comique présent dans l'extrait possède une double fonction : la première est bien entendu de faire rire, tandis que la seconde met au contraire en valeur la valeur symbolique de la mort. Il ne fait aucun doute que l'extrait est comique, que la situation est décalée et que le deuil est envisagé par Maupassant d'une manière inhabituelle, en la désacralisant pour mieux l'honorer. Néanmoins, cela correspond à un certain réalisme qui peut être celui de la campagne, où le pragmatisme même face aux situations les plus dures est nécessaire pour subsister. [...]
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