Intéressons-nous au contexte littéraire et culturel du texte de Marivaux. Marivaux écrit dans la seconde moitié du 18e siècle, donc au siècle des Lumières. Ce siècle jette sur le roman un regard critique et réprobateur. Taxé d'invraisemblance et souvent d'immoralité, le roman est un genre méprisé. C'est pourquoi les romanciers, à l'image de Marivaux, s'efforcent de créer dans leurs textes une illusion réaliste forte afin d'établir un lien entre vie réelle et fiction qui fonderait la légitimité du roman. En effet, si le roman est image du monde et de la vie, on peut en tirer des leçons, apprendre de lui (...)
[...] Je me souviens de mes yeux de ce temps-là, et je crois qu'ils avaient plus d'esprit que moi. Combien de fois me suis-je surprise à dire des choses qui auraient eu bien de la peine à passer toutes seules ! Sans le jeu d'une physionomie friponne qui les accompagnait, on ne m'aurait pas applaudie comme on faisait, et si une petite vérole était venue réduire cela à ce que cela valait, franchement, je pense que j'y aurais perdu beaucoup. Il n'y a pas plus d'un mois, par exemple, que vous me parliez encore d'un certain jour (et il y a douze ans que ce jour est passé) où, dans un repas, on se récria tant sur ma vivacité ; 2 eh bien ! [...]
[...] Marianne refuse la fausse coquetterie. Elle jette un regard objectif sur elle-même : jolies femmes, car j'ai été de ce nombre On note la présence du lexique de la vérité : il est vrai occurrences) ; franchement UN DISCOURS MORALISTE Marianne tient un discours rétrospectif. La présence du passé composé j'ai été de ce nombre montre que Marianne regarde et entend juger son passé. Elle possède un regard démystificateur sur les rapports galants entre hommes et femmes. La structure négativo-restrictive . [...]
[...] Elle a la capacité à jouer et à séduire mais aussi à dire la vérité : vrai, franchement Le lecteur a le sentiment d'entrer dans le cœur de cette femme. Conclusion En romancier habile, Marivaux maîtrise parfaitement les codes de l'incipit. Il sait donner immédiatement au lecteur toutes les informations nécessaires à la mise en place de l'intrigue et exciter son envie de lire la suite du récit. En effet, dès la première prise de parole de Marianne, il sait nous la rendre sympathique et nous donner envie de comprendre son cœur. [...]
[...] Car à cette heure que mes agréments sont passés, je vois qu'on me trouve un esprit assez ordinaire, et cependant je suis plus contente de moi que je ne l'ai jamais été. Mais enfin, puisque vous voulez que j'écrive mon histoire, et que c'est une chose que vous demandez à mon amitié, soyez satisfaite : j'aime encore mieux vous ennuyer que de vous refuser. Au reste, je parlais tout à l'heure de style, je ne sais pas seulement ce que c'est. Comment fait-on pour en avoir un ? Celui que je vois dans les livres, est-ce le bon ? Pourquoi donc est-ce qu'il me déplaît tant le plus souvent ? [...]
[...] J'écrirai ceci de même. N'oubliez pas que vous m'avez promis de ne jamais dire qui je suis ; je ne veux être connue que de vous. Il y a quinze ans que je ne savais pas encore si le sang d'où je sortais était noble ou non, si j'étais bâtarde ou légitime. Ce début paraît annoncer un roman : ce n'en est pourtant pas un que je raconte ; je dis la vérité comme je l'ai apprise de ceux qui m'ont élevée N'intéresse : ne met en jeu aucune personne vivante. [...]
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