La parution de La Vie de Marianne coïncide avec un intérêt nouveau pour la psychologie humaine, l'introspection. Le roman à la première personne permet cette exploration de la sensibilité humaine. Pourtant, Marivaux déclare ne pas être l'auteur de cette « histoire » qu'il affirme tenir « [lui]-même d'un ami qui l'a réellement trouvée » .
La fabulation est définie comme le « fait de substituer à la réalité vécue une aventure imaginaire à laquelle on croit » . La notion de mensonge est donc à écarter dès à présent, car « mentir, c'est affirmer comme vrai ce que l'on sait être faux ».
René Démoris, spécialiste du XVIIIe siècle, s'intéresse à ce phénomène qu'il nomme « fonction fabulatrice » dans une étude sur "Le Roman à la première personne ". Marianne ne serait pas, selon René Démoris, atteinte d' « une espèce de maladie ». Son attitude n'est pas pathologique comme l'est la mythomanie. Au contraire, elle touche l'homme « toute sa vie » et ce, « quotidienne[ment] ».
La raison de cette tendance à la fabulation est légitime : « l'être se raconte à lui-même une histoire qui n'est peut-être pas vraie, mais qui présente l'avantage d'être à la fois agréable et utile », ce qu'il présente comme la définition même du roman. La notion de fabulation n'est-elle pas un moyen d'attester l'existence d'une vérité unique ?
[...] Il en va de même pour Marianne: ce récit vrai ou fictif est son héritage. Sa première mère adoptive ( puisque d'autres figures maternelles suivront) le lui a transmis. À son tour, elle le fait sien et le retransmet. Il est une métaphore de la mort d'une inconnue et de la naissance de Marianne. Un extrait de ce passage illustre cet état de fait. Marianne, enfouie sous le corps inanimé d'une femme (qu'elle pense être sa mère) en est retiré, toute sanglante par des officiers. [...]
[...] De fait, la fonction fabulatrice est par définition contraire à la vérité. Pourtant, le terme fabulation est formé sur le latin fabulatio qui signifie discours, conversation, parole C'est en latin chrétien que le terme renvoie à la notion de mensonge avec l'acception bavardages mensongers L'opposition établie entre la fabulation et la vérité est surtout d'ordre moral. La fabulation tend à se rapprocher du mensonge, il renvoie ainsi à une notion que l'on considère moralement répréhensible. Au contraire, la vérité est synonyme de vertu. [...]
[...] La parution de La Vie de Marianne coïncide avec un intérêt nouveau pour la psychologie humaine, l'introspection. Le roman à la première personne permet cette exploration de la sensibilité humaine. Pourtant, Marivaux déclare ne pas être l'auteur de cette histoire qu'il affirme tenir [lui]-même d'un ami qui l'a réellement trouvée Marivaux est alors un écrivain connu, il ne peut pas duper le lecteur. Dans ce cas,pourquoi faire passer un roman pour une autobiographie?Une fiction pour la vérité? En admettant que l'on considère La Vie de Marianne comme un récit autobiographique, qu'on l'accepte comme tel, le problème se pose toujours. [...]
[...] En outre, sa vertu est remarquée par tous ceux qui la rencontrent. Cela apporte un crédit certain aux incessantes assertions de Marianne sur l'étendue de ses qualités. Tout le monde remarque son honnêteté, elle est donc réelle: la majorité a toujours raison! Si les paroles peuvent se révéler mensongères, les manifestations physiques de Marianne corroborent la sincérité de ses propos. En effet, à chaque fois que la jeune fille est en proie à une émotion trop forte, elle est prise de sanglots ou d'un évanouissement. [...]
[...] En effet, Marianne n'a de cesse de vanter ses charmes, sa beauté. Cela pourrait passer pour un détail et la rendre seulement vaniteuse aux yeux du lecteur. Mais les leçons de séduction qu'elle livre à son amie tout au long de son récit pourraient laisser présager que Marianne n'est pas seulement prétentieuse, mais plutôt manipulatrice. Le terme séduire vient du latin seducere qui signifie détourner du droit chemin Au début du XII° siècle, il prend le sens entraîner quelqu'un à commettre des fautes puis induire en erreur, égarer (1470). [...]
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