Marivaux, auteur du XVIIIe siècle, annonce le renouveau du roman et son expansion par la suite. Il publie "La vie de Marianne ou les aventures de Madame la Comtesse de *** ", oeuvre dans laquelle il se place en qualité de spectateur assistant à cette histoire, qui retrace la vie d'une femme de condition aisée, en prise à la difficile situation dans laquelle la femme – écrivain se trouve sous Louis XV.
Comment l'illusion de réel est-elle suggérée dans ce texte ? Quelles formes prend la réflexion ? Par quels moyens l'auteur brosse-t-il une critique de la société d'Ancien Régime ?
[...] La petite vérole3 lui vint, elle en resta extrêmement marquée : quand la pauvre femme reparut, ce n'était plus qu'une babillarde4 incommode. Voyez combien auparavant elle avait emprunté d'esprit de son visage ! Il se pourrait bien faire que le mien m'en eût prêté aussi dans le temps qu'on m'en trouvait beaucoup. Je me souviens de mes yeux de ce temps-là, et je crois qu'ils avaient plus d'esprit que moi. Combien de fois me suis-je surprise à dire des choses qui auraient eu bien de la peine à passer toutes seules ! [...]
[...] Il est vrai que l'histoire en est particulière, mais je la gâterai, si je l'écris ; car où voulez-vous que je prenne un style ? II est vrai que dans le monde on m'a trouvé de l'esprit ; mais, ma chère, je crois que cet esprit-là n'est bon qu'à être dit, et qu'il ne vaudra rien à être lu. Nous autres jolies femmes, car j'ai été de ce nombre, personne n'a plus d'esprit que nous quand nous en avons un peu : les hommes ne savent plus alors la valeur de ce que nous disons ; en nous écoutant parler, ils nous regardent, et ce que nous disons profite de ce qu'ils voient. [...]
[...] Notes 1 N'intéresse : ne met en jeu aucune personne vivante Je : ici commence le récit de Marianne La petite vérole : maladie qui couvre le visage de pustules Babillarde : bavarde. Marivaux, auteur du XVIIIe siècle, annonce le renouveau du roman et son expansion par la suite. Dans ce passage, à la manière d'un roman dans le roman, il raconte ou plutôt publie la vie de Marianne, œuvre dans laquelle il se place en qualité de spectateur assistant à cette histoire, qui retrace la vie d'une femme de condition aisée, en prise à la difficile situation dans laquelle la femme écrivain se trouve sous louis XV. [...]
[...] Ce qui y est dit d'elles est pourtant très indifférent ; mais n'importe : il est toujours mieux de supprimer leurs noms. Voilà tout ce que j'avais à dire ; ce petit préambule m'a paru nécessaire, et je l'ai fait du mieux que j'ai pu, car je ne suis point auteur, et jamais on n'imprimera de moi que cette vingtaine de lignes-ci. Passons maintenant à l'histoire. C'est une femme qui raconte sa vie ; nous ne savons qui elle était. [...]
[...] Le discours direct présent dans tout le texte participe à cette vivacité, à cette dynamique et à cette réalité illusoire. En effet, Marivaux n'en est point auteur et lui et Marianne ressentent la même envie d'imprimer, comme pour diffuser une histoire qui n'intéresse personne qui laisse indifférent et surtout une histoire qui ne vaudra rien à être lue On s'interroge alors sur les réelles motivations de l'auteur à publier ce même livre. Ensuite, dans ce passage, on remarque que les impressions s'alternent avec des jugements, à valeurs universelles ; ainsi, Marianne observe que le monde lui a trouvé de l'esprit, observation personnelle suivie d'un présent gnomique est à valeur générale cet esprit là n'est bon qu'à être dit Plus loin, les femmes sont abordées dans leur caractère universel nous autres jolies femmes : cet échange entre constats et jugements invite le lecteur à prendre part activement à l'esprit de l'auteur. [...]
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