En 1862, Hugo prend sa plume pour mettre en scène, dans un roman qui retrace la vie d'une jeune enfant que la vie a délitée, le quotidien d'un forçat tutélaire, Jean Valjean. Dans l'extrait soumis à notre étude, Hugo donne à voir l'assujettissement de Cosette, figure pathétique dont la vie est soumise à la férule atrabilaire des Thénardier qui traitent l'enfant avec mépris. Alors qu'elle doit s'acquitter d'une tâche imposée par la Thénardier, aller puiser de l'eau à la source, Cosette est animée d'un sentiment d'extase presque mystique en contemplant une riche poupée qui siège dans ce palais féérique qu'est la boutique. Dès lors, cette page se fait l'écho des sentiments qui parcourent l'enfant, confrontée à cette poupée, symbole latent du bonheur et de l'opulence.
Ainsi, le romancier, par un jeu de miroirs, oppose la riche poupée à la misérable Cosette. C'est cette dualité qui s'entrecroise et s'entrechoque qui est le point névralgique du texte. C'est la raison pour laquelle nous examinerons dans un premier temps la dualité des sentiments qui pantèlent l'enfant pour analyser, en un second temps, la fonction symbolique du passage, qui met en lumière les paradigmes de deux réalités aux antipodes.
[...] En effet, si la superbe de la poupée est l'incarnation de l'opulence et de la joie apaisante et tutélaire, Cosette est le paradigme de l'enfant que la vie a déchu, si bien que sa misérable condition se fait l'écho de son affliction et de son malheureux état. Ainsi les deux personnages sont-ils les parangons de deux modèles en conflit : tristesse et bonheur, pauvreté et richesse. Il convient également de relever que perce, dans le texte, une intrusion discrète de l'auteur qui affirme que C'étaient la joie, la splendeur, la richesse, le bonheur, qui apparaissaient [ ] à ce malheureux petit être englouti dans une misère funèbre et froide : ce point de vue omniscient est révélateur de l'intention de l'auteur. [...]
[...] L'utilisation du point de vue interne qui permet au lecteur de pénétrer dans les pensées du personnage est renforcée par un jeu habile entre le style indirect, ce que confirme la phrase Elle se disait qu'il fallait être reine et le style indirect libre Comme elle doit être heureuse cette poupée-là ! styles qui mettent en lumière l'intériorité du personnage. Par ailleurs, ce recours à deux styles différents pourrait être le signe de la confusion qui règne dans les sentiments de Cosette. [...]
[...] Victor Hugo, Les Misérables : l'épisode de la poupée Au moment où Cosette sortit, son seau à la main, si morne et si accablée qu'elle fût, elle ne put s'empêcher de lever les yeux sur cette prodigieuse poupée, vers la dame, comme elle l'appelait. La pauvre enfant s'arrêta pétrifiée. Elle n'avait pas encore vu cette poupée de près. Toute cette boutique lui semblait un palais; cette poupée n'était pas une poupée, c'était une vision. C'étaient la joie, la splendeur, la richesse, le bonheur, qui apparaissait dans une sorte de rayonnement chimérique à ce malheureux petit être englouti si profondément dans une misère funèbre et froide. [...]
[...] Victor Hugo, Les Misérables, CHAPITRE IV, tome II. Introduction : En 1862, Hugo prend sa plume pour mettre en scène, dans un roman qui retrace la vie d'une jeune enfant que la vie a délitée, le quotidien d'un forçat tutélaire, Jean Valjean. Dans l'extrait soumis à notre étude, Hugo donne à voir l'assujettissement de Cosette, figure pathétique dont la vie est soumise à la férule atrabilaire des Thénardier qui traitent l'enfant avec mépris. Alors qu'elle doit s'acquitter d'une tâche imposée par la Thénardier, aller puiser de l'eau à la source, Cosette est animée d'un sentiment d'extase presque mystique en contemplant une riche poupée qui siège dans ce palais féérique qu'est la boutique. [...]
[...] Elle considérait cette belle robe rose, ces beaux cheveux lisses, et elle pensait: comme elle doit être heureuse, cette poupée-là! Ses yeux ne pouvaient se détacher de cette boutique fantastique. Plus elle regardait, plus elle s'éblouissait. Elle croyait voir le paradis. Il y avait d'autres poupées derrière la grande qui lui paraissaient des fées et des génies. Le marchand qui allait et venait au fond de sa baraque lui faisait un peu l'effet d'être le Père éternel. Dans cette adoration, elle oubliait tout, même la commission dont elle était chargée. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture