Situé à la fin du livre VI, ce poème est l'un des derniers des Contemplations : position tout à fait naturelle puisque le locuteur y fait un bilan de sa vie. Arrivé "au bord de l'infini", il parvient aussi au terme d'un itinéraire. C'est ce que semble dire tout de suite le titre de ce poème : après une longue marche, quelqu'un s'apprête à "frapper à une porte", à franchir un seuil et à faire, peut-être, une rencontre déterminante.
Le titre du poème est assez vague : il ne précise ni le sujet, ni les circonstances de l'action, ni même l'endroit où se situe la "porte" dont il est question. L'ensemble du texte repose ainsi sur un effet d'énigme, puisque le sens du titre reste, jusqu'à la fin, mystérieux.
Nous ignorons l'identité de la personne enfermée dans le "tombeau", sur lequel se ferme le texte. Ce peut, certes, être le locuteur (qui sent approcher sa propre mort), ou encore sa fille Léopoldine, dont il évoque le "cercueil" à la strophe 3 (...)
[...] Puis il annonce sa propre mort : il commence par avouer que la mort le hante pour moi la nature entière/Sonne le glas», y. puis affirme que la cendre (symbole de la mort) lui va mieux que la pourpre (symbole de gloire, de richesse et de pouvoir), ce qui est une manière de signaler son appartenance au monde des morts (v. 15-16). La fin du poème ne laisse, elle, aucun doute: sur ma tête des orfraies» (v. 21). Les orfraies étant des oiseaux de proie, on peut penser que le locuteur fait allusion à son cadavre futur. [...]
[...] Dans le même temps, ce mouvement de bascule s'accompagne souvent d'un enjambement (du vers 3 au vers 4 de la plupart des strophes) et d'une réduction du mètre utilisé (puisqu'on passe de l'octosyllabe au vers de 4 syllabes). Ce phénomène d'accélération dans le rythme, qui semble se précipiter, produit une brutale dramatisation du poème : ces brutales ruptures rythmiques traduisent les bouleversements et l'émotion brutale qui ont submergé le poète. La dimension universelle de la mort : l'identification au Christ La douleur et la mort du locuteur ont aussi une dimension universelle. Aux vers 3 et sa douleur et son deuil sont étendus à la «nature entière». [...]
[...] Celui-ci évoque d'ailleurs ses proches (mère, frères, premier-né), sa famille : l'inspiration semble donc rigoureusement intime, puisque tout tourne autour du noyau familial. présence de jugements de valeur, ou de marques spontanées d'émotion, comme les Hélas ! répétés aux vers 2 et qui montrent l'implication du locuteur. Elle perce aussi à travers la présence d'un destinataire, invoqué par le biais de la deuxième personne du singulier «toi ton cercueil dans la strophe et des apostrophes ou interjections visant clairement Léopoldine, désignée tantôt directement ô fille chère», v. tantôt indirectement, au moyen de la périphrase mon orgueil» (v. [...]
[...] À la fin du texte, le ton est donc particulièrement apaisé : ultime havre de paix, la mort est présentée comme une ouverture» porteuse d'espérance. La structure du poème Mouvement constant de bascule de la vie vers la mort : chaque strophe ou presque (notamment au moment du passage du vers 3 au vers est marquée par un passage de la vie vers la mort, parfois du passé vers le présent. Nous retrouvons (rapport étroit avec la structure du recueil des Contemplations) «Autrefois». à «Aujourd'hui» : les «berceaux» (v. [...]
[...] Et c'est bien ce que Hugo, écrivant Les Contemplations, a entrepris de faire. Bouleversant, ce texte de tonalité tragique est aussi plein d'espoir : la mort de Léopoldine, paradoxalement, apporte au locuteur la lumière (v. 11) et la vérité sur ce monde. Le «tombeau», effectivement, est ouverture. C'est ce que montre la suite du livre VI qui nous fait passer directement dans le monde de l'au-delà. C'est donc une porte qui sépare la vie et la mort, cette porte qu'avec En frappant à une porte», Hugo nous a fait franchir. [...]
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