Vian, "L'Ecume de jours", Chapitre 11 : "La rencontre de Colin et Chloé"
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Lecture analytique d'un extrait du chapitre 11 de L'Ecume des jours de Boris Vian. Ce passage concerne la rencontre de Chloé et Colin.
Sommaire
I) La mise en place
A. Les indicateurs de temps et de lieu B. Positions des partenaires C. Portrait physique D. Le nom
II) La mise en scène
A. L'effet B. Le choc affectif C. L'échange D. Le franchissement
Conclusion
Extrait analysé
? Oui, dit Isis. Venez, je vous présente... La moyenne des filles était présentable. L'une d'elles portait une robe en lainage vert amande, avec de gros boutons en céramique dorée, et, dans le dos, un empiècement de forme particulière. ? Présentez-moi surtout à celle-là, dit Colin. Isis le secoua pour le faire tenir tranquille. ? Voulez-vous être sage, à la fin ? Il en guettait déjà une autre et tirait sur la main de sa conductrice. ? C'est Colin, dit Isis. Colin je vous présente Chloé. Colin avala sa salive. Sa bouche lui faisait comme du gratouillis de beignets brûlés. ? Bonjour ! dit Chloé... ? Bonj? êtes-vous arrangée par Duke Ellington ? demanda Colin... Et puis il s'enfuit, parce qu'il avait la conviction d'avoir dit une stupidité. Chick le rattrapa par un pan de sa veste. ? Où vas-tu comme ça ? Tu ne vas pas t'en aller déjà ? Regarde !? Il tira de sa poche un petit livre relié en maroquin rouge. ? C'est l'original du Paradoxe sur le Dégueulis, de Partre? ? Tu l'as trouvé quand même ? dit Colin. Puis il se rappela qu'il s'enfuyait et s'enfuit. Alise lui barrait la route. ? Alors, vous vous en allez sans avoir dansé une seule petite fois avec moi ? ditelle. ? Excusez-moi, dit Colin, amis je viens d'être idiot et ça me gêne de rester. ? Pourtant, quand on vous regarde comme ça, on est forcé d'accepter... ? Alise... geignit Colin, en l'enlaçant et en frottant sa joue contre les cheveux d'Alise. ? Quoi, mon vieux Colin ? ? Zut... Zut... et Bran !? Peste diable bouffre. Vous voyez cette fille là ?... ? Chloé ?... ? Vous la connaissez ?... dit Colin. Je lui ai dit une stupidité, et c'est pour ça que je m'en allais. Il n'ajouta pas qu'à l'intérieur du thorax, ça lui faisait comme une musique militaire allemande, où l'on n'entend que la grosse caisse. ? ?est-ce pas qu'elle est jolie ? demanda Alise. Chloé avait les lèvres rouges, les cheveux bruns, l'air heureux et sa robe n'y était pour rien. ? Je n'oserai pas, dit Colin. Et puis, il lâcha Alise et alla inviter Chloé. Elle le regarda. Elle riait et mit la main droite sur son épaule. Il sentait ses doigts frais sur son cou. Il réduisit l'écartement de leurs deux corps par le moyen d'un raccourcissement du biceps droit, transmis du cerveau, le long d'une paire de nerfs crâniens choisis judicieusement. Chloé le regarda encore. Elle avait les yeux bleus. Elle agita la tête pour repousser en arrière ses cheveux frisés et brillants, et appliqua, d'un geste ferme et déterminé, sa tempe sur la joue de Colin. Il se fit un abondant silence à l'entour, et la majeure partie du reste du monde se mit à compter pour du beurre.
BORIS VIAN L'Ecume des jours (1946
I) La mise en place
A. Les indicateurs de temps et de lieu B. Positions des partenaires C. Portrait physique D. Le nom
II) La mise en scène
A. L'effet B. Le choc affectif C. L'échange D. Le franchissement
Conclusion
Extrait analysé
? Oui, dit Isis. Venez, je vous présente... La moyenne des filles était présentable. L'une d'elles portait une robe en lainage vert amande, avec de gros boutons en céramique dorée, et, dans le dos, un empiècement de forme particulière. ? Présentez-moi surtout à celle-là, dit Colin. Isis le secoua pour le faire tenir tranquille. ? Voulez-vous être sage, à la fin ? Il en guettait déjà une autre et tirait sur la main de sa conductrice. ? C'est Colin, dit Isis. Colin je vous présente Chloé. Colin avala sa salive. Sa bouche lui faisait comme du gratouillis de beignets brûlés. ? Bonjour ! dit Chloé... ? Bonj? êtes-vous arrangée par Duke Ellington ? demanda Colin... Et puis il s'enfuit, parce qu'il avait la conviction d'avoir dit une stupidité. Chick le rattrapa par un pan de sa veste. ? Où vas-tu comme ça ? Tu ne vas pas t'en aller déjà ? Regarde !? Il tira de sa poche un petit livre relié en maroquin rouge. ? C'est l'original du Paradoxe sur le Dégueulis, de Partre? ? Tu l'as trouvé quand même ? dit Colin. Puis il se rappela qu'il s'enfuyait et s'enfuit. Alise lui barrait la route. ? Alors, vous vous en allez sans avoir dansé une seule petite fois avec moi ? ditelle. ? Excusez-moi, dit Colin, amis je viens d'être idiot et ça me gêne de rester. ? Pourtant, quand on vous regarde comme ça, on est forcé d'accepter... ? Alise... geignit Colin, en l'enlaçant et en frottant sa joue contre les cheveux d'Alise. ? Quoi, mon vieux Colin ? ? Zut... Zut... et Bran !? Peste diable bouffre. Vous voyez cette fille là ?... ? Chloé ?... ? Vous la connaissez ?... dit Colin. Je lui ai dit une stupidité, et c'est pour ça que je m'en allais. Il n'ajouta pas qu'à l'intérieur du thorax, ça lui faisait comme une musique militaire allemande, où l'on n'entend que la grosse caisse. ? ?est-ce pas qu'elle est jolie ? demanda Alise. Chloé avait les lèvres rouges, les cheveux bruns, l'air heureux et sa robe n'y était pour rien. ? Je n'oserai pas, dit Colin. Et puis, il lâcha Alise et alla inviter Chloé. Elle le regarda. Elle riait et mit la main droite sur son épaule. Il sentait ses doigts frais sur son cou. Il réduisit l'écartement de leurs deux corps par le moyen d'un raccourcissement du biceps droit, transmis du cerveau, le long d'une paire de nerfs crâniens choisis judicieusement. Chloé le regarda encore. Elle avait les yeux bleus. Elle agita la tête pour repousser en arrière ses cheveux frisés et brillants, et appliqua, d'un geste ferme et déterminé, sa tempe sur la joue de Colin. Il se fit un abondant silence à l'entour, et la majeure partie du reste du monde se mit à compter pour du beurre.
BORIS VIAN L'Ecume des jours (1946
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Extraits
[...] demanda Alise. Chloé avait les lèvres rouges, les cheveux bruns, l'air heureux et sa robe n'y était pour rien. Je n'oserai pas, dit Colin. Et puis, il lâcha Alise et alla inviter Chloé. Elle le regarda. Elle riait et mit la main droite sur son épaule. Il sentait ses doigts frais sur son cou. Il réduisit l'écartement de leurs deux corps par le moyen d'un raccourcissement du biceps droit, transmis du cerveau, le long d'une paire de nerfs crâniens choisis judicieusement. [...]
[...] Les dieux (Isis est le nom d'une déesse égyptienne) et les arts (la musique) favorisent la rencontre amoureuse. II/ La mise en scène L'effet L'effet, comme dans la plupart des scènes de première rencontre, est instantané. Il est signalé par le passage brutal de l'imparfait au passé simple. Avant la rencontre règne la durée répétitive du simple désir ; sitôt après la rencontre, surviennent le bouleversement devant l'irruption de la nouveauté et de la passion. Alors que d'habitude l'échange des regards est canonique dans ce type de scènes, Vian l'omet mais il est fidèle au modèle en précisant les manifestations psychologiques de l'effet Le choc affectif Deux notations traduisent l'ébranlement physique que connaît Colin : l'une concerne la bouche Sa bouche lui faisait comme du gratouillis de beignets brûlés l'autre concerne classiquement le cœur qui bat si fort qu'on l'entend ça lui faisait comme une musique militaire allemande, o l'on entend que la grosse caisse Une autre manifestation supplémentaire du trouble ressenti est sa difficulté d'élocution Bonj . [...]
[...] au point d'être presque des anagrammes l'un de l'autre. L'onomastique devient une forme de destin : Chloé et Colin sont programmés par leurs prénoms pour se trouver ou se retrouver. De plus au chapitre Nicolas, donnant une leçon de bigle-moi à Colin, lui conseille un tempo d'atmosphère, dans le style de Chloé, arrangé par Duke Ellington Et dans le chapitre suivant, Colin obtempère puisqu'il choisit Chloé comme le lui avait recommandé Nicolas Le destin incarne donc une jeune fille fictive, celle du morceau d'Ellington, en une jeune fille réelle, un peu comme dans les contes de fées (le rêve devient réalité). [...]
[...] L'une d'elles portait une robe en lainage vert amande, avec de gros boutons en céramique dorée, et, dans le dos, un empiècement de forme particulière. Présentez-moi surtout à celle-là, dit Colin. Isis le secoua pour le faire tenir tranquille. Voulez-vous être sage, à la fin ? Il en guettait déjà une autre et tirait sur la main de sa conductrice. C'est Colin, dit Isis. Colin je vous présente Chloé. Colin avala sa salive. Sa bouche lui faisait comme du gratouillis de beignets brûlés. Bonjour ! [...]
[...] Alors, vous vous en allez sans avoir dansé une seule petite fois avec moi ? ditelle. Excusez-moi, dit Colin, amis je viens d'être idiot et ça me gêne de rester. Pourtant, quand on vous regarde comme ça, on est forcé d'accepter Alise geignit Colin, en l'enlaçant et en frottant sa joue contre les cheveux d'Alise. Quoi, mon vieux Colin ? Zut Zut et Bran ! Peste diable bouffre. Vous voyez cette fille là ? Chloé ? Vous la connaissez ? dit Colin. [...]